Japon : premier bilan de la situation des grands fournisseurs
Au lendemain du plus grave tremblement de terre jamais survenu au Japon, lequel a causé des destructions massives et un nombre de victimes toujours en cours d'évaluation, les grandes entreprises japonaises de l'électronique tentent de s'assurer que leurs employés situés dans des zones sinistrées, sont en sécurité, et essayent aussi d'estimer l'état de leurs installations.
Toute la journée de samedi, Sony a fait transporter par hélicoptère des fournitures d'urgence à des centaines d'employés pris au piège dans une de ses usines situées dans la préfecture de Miyagi où sont fabriqués des disques Blu-ray. La vague dévastatrice avait frappé l'unité juste après que les 1 000 employés se soient réfugiés au deuxième étage du bâtiment, et ils ont dû y passer la nuit. Mis à part cette usine de Miyagi, qui, selon le constructeur est celle qui a subi les dommages les plus considérables, Sony a fermé cinq usines après le tremblement de terre. Selon George Boyd, un représentant de Sony, l'entreprise « n'a pas subi de dommages majeurs à l'exception de celle-ci (Miyagi). » Prudent, il a néanmoins ajouté qu'il était trop tôt pour juger de l'impact global du tremblement de terre. Certaines usines de Sony, dont une usine où sont fabriquées des batteries et une autre des processeurs, sont à l'arrêt en raison des restrictions d'électricité.
Des pénuries d'eau et d'électricité
Car la pénurie d'électricité résultant des dommages causés par le tsunami est l'un des plus grands problèmes auquel les entreprises doivent faire face aujourd'hui. Le gouvernement a déjà prévenu la population et les entreprises qu'elles devaient s'attendre à des coupures d'électricité régulières tant que la remise en route des centrales n'était pas effective. L'eau est l'autre préoccupation et les craintes d'une pénurie ont incité le gouvernement à demander à la population de préserver aussi bien l'eau que l'électricité. La Tokyo Electric Power Company (Tepco) chargée de fournir de l'électricité à la ville de Tokyo et à un certain nombre de régions situées à l'est de la capitale japonaise, a prévenu les habitants qu'ils devaient s'attendre à des pénuries d'électricité, le tremblement de terre et le tsunami ayant endommagé certaines centrales et d'autres ayant été arrêtées par sécurité. Le fournisseur d'électricité doit actuellement faire face à de graves problèmes dans deux centrales nucléaires situés dans la préfecture de Fukushima. Déjà, deux explosions provoquées par une réplique sismique ont affecté les réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale nucléaire. Tepco a déclaré dans un communiqué qu'elle continuait à évaluer les dommages subis par son installation. Des informations locales indiquent que les réacteurs 1 et 3 sont sérieusement endommagés par le choc et que le 2 est au bord de la fusion. « À l'heure actuelle, nous vérifions l'état de chaque unité sur place et nous évaluons l'importance des matières radioactives rejetées dans l'atmosphère, » a indiqué l'entreprise d'électricité.
Peu d'impacts directs sur les usines de DRAM
Elpida Memory, fabricant japonais de DRAM, a dit que le séisme et le tsunami avaient eu peu d'impact sur ses activités du fait que ses usines se trouvaient loin de la secousse. La principale unité de fabrication de processeurs d'Elpida est située à Hiroshima, donc à l'ouest du Japon, alors que l'épicentre du séisme se trouve au nord-est. Le tremblement de terre « a eu très peu d'impact, nous n'avons subi aucun dommage et nos unités fonctionnement normalement, » a déclaré Kumi Higuchi, une représentante de Elpida. Celle-ci indique cependant qu'une de leurs usines à Akita Elpida, où sont effectués les tests, le conditionnement et l'expédition des processeurs, est affectée par des pannes d'électricité. Toutefois, l'entreprise ne croit pas que cela aura un impact sur ses activités parce que la majorité de ses produits est testée et expédiée depuis Taiwan.
SanDisk, en joint-venture avec Toshiba dans plusieurs usines de fabrication de processeurs au Japon, a déclaré que ses deux usines avaient été brièvement arrêtées vendredi suite au tremblement de terre, mais qu'elles étaient à nouveau opérationnelles le jour même. L'entreprise fait remarquer que ses usines se trouvent à 800 kms de l'épicentre et que « l'impact immédiat du tremblement de terre sur la production a été minime. » Toshiba, qui n'a pu être joint, est l'un des plus grands fournisseurs au monde de mémoire flash, et possède un nombre important d'usines de production de processeurs au Japon. Selon iFixit, qui a démonté l'iPad 2, la mémoire principale de stockage de la tablette d'Apple est un module 16 Go NAND Flash fabriquée par Toshiba.
40% de la mémoire flash NAND produite au Japon
Jim Handy, d'Objective Analysis, une entreprise qui fait de la recherche pour l'industrie, affirme que le Japon fournit 40 % de la mémoire flash NAND utilisée dans le monde. Selon lui, le tremblement de terre va provoquer « des fluctuations de prix phénoménales. Il craint même « de grandes pénuries à court terme. » L'analyste estime en effet « qu'il n'est pas nécessaire que la production baisse de manière importante pour faire monter les prix de façon spectaculaire. » Un autre composant électronique important, susceptible de subir les effets du tremblement de terre, est le LCD. Même s'il était encore responsable de plus de 6 % de l'approvisionnement mondial en LCD l'an dernier, le Japon n'est plus le producteur principal de panneaux. Mais, selon le cabinet d'études IHS iSuppli, le pays vend encore une grande partie des composants utilisés dans les écrans LCD, dont le verre, les filtres de couleur, les polariseurs et les LED.
Des milliers de disparus
Pour l'heure, la menace de fusion des coeurs dans deux centrales nucléaires reste forte, les incendies continuent de faire rage à certains endroits, des régions entières ont été dévastées et de très nombreuses voies de communication sont impraticables. Le tsunami, qui a suivi le séisme d'une magnitude de 8.9, a été particulièrement meurtrier, emportant des villages entiers sur son passage. Les premières estimations du nombre de victimes faites par le gouvernement - 1 597 morts et des milliers de disparus - sont continuellement revues à la hausse, et certaines sources locales évoquent la disparition de plusieurs milliers de personnes, comme dans cette ville de 17 000 habitants aujourd'hui rayée de la carte où 10 000 personnes manquent à l'appel.
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