Hadopi : le gouvernement dans l'impasse après le camouflet européen
Depuis que le parlement européen a formulé son opposition aux mesures répressives prévues par le projet de loi Hadopi, celui-ci semble dans l'impasse. Le salut pourrait venir d'un amendement stipulant que ces mesures devront être prises par la justice. Mais une telle solution viderait le projet de sa substance et serait interprétée comme une défaite politique. (Source EuroTMT) A une semaine du retour du très contesté (et contestable) projet de loi « Création et Internet » devant l'Assemblée nationale, la France vient de se voir infliger un nouveau camouflet par le Parlement européen. Dans la soirée du mardi 21 avril, la commission à l'industrie du parlement européen a rétabli l'amendement 138 au paquet télécoms, qui s'oppose aux mesures répressives prévues par le projet de loi français. Un amendement largement voté par les membres de la commission : 44 votes pour, quatre contre et deux abstentions. Cet amendement, introduit par le Parlement lors d'un précédent vote, avait été rejeté par les Etats membres, sous la pression de la France qui veut pouvoir avoir les mains libres. Depuis, la Commission européenne et les parlementaires discutaient pour trouver une porte de sortie, la Commission proposant que cet amendement figure, non dans le texte même des nouvelles directives, mais dans le préambule exposant les motifs. Seule une autorité judiciaire devrait pouvoir couper l'abonnement « Insuffisant » ont jugé les parlementaires qui ont donc rétabli l'amendement dans le corps du texte, pour obtenir la garantie qu'il pourra être opposé aux Etats passant outre. Compte tenu de l'opposition des Etats membres, le blocage paraît évident alors que la nouvelle version du paquet télécoms entérinée mardi soir par la commission à l'industrie doit venir, début mai, devant le parlement pour être voté par l'assemblée. Que peut-il se passer maintenant, alors que toutes les parties sont d'accord sur le reste du contenu des directives? Tout d'abord, cet amendement n'interdit pas complètement la coupure de l'accès à Internet aux Internautes coupables de télécharger illégalement de la musique ou des films en ligne. Mais, il prévoit que cette mesure ne peut être prise que par une autorité judiciaire, et non par une autorité administrative comme le prévoit le projet de loi français, qui crée pour cela une nouvelle haute autorité (baptisée HADOPI). Un amendement résoudrait le problème Il y a bien une solution : l'assemblée nationale introduit un amendement (qui serait accepté alors par le gouvernement) pour confier cette sanction à la justice. Mais depuis que le projet de loi est connu, le gouvernement a toujours refusé de prendre en compte les critiques de certains opposants qui demandaient, notamment, que les sanctions restent prises dans un cadre judiciaire. Et le gouvernement français ne veut toujours pas en entendre parler. Selon un conseiller de Christine Albanel, la ministre de la culture, l'amendement européen constitue en effet une machine de guerre politique des socialistes français contre le gouvernement. Et il n'est donc pas question de laisser le paquet télécoms être entériné en l'état. De plus, si le gouvernement acceptait une telle modification, le projet de loi serait en grande partie inutile, puisque cela reviendrait à restaurer la situation préexistante, donnant alors l'impression d'une défaite politique pour le gouvernement. L'impasse semble donc totale. D'ici au vote du Parlement, les discussions entre la Commission européenne et les parlementaires vont donc reprendre. Certains experts estiment que la Cour de justice européenne a déjà indiqué, dans de précédentes décisions, qu'il n'y pas de différence légale entre le contenu du préambule d'une loi et le corps du texte, laissant ainsi donc entendre qu'un compromis acceptable (pour le Parlement) pourrait passer par l'introduction de l'amendement dans le préambule. Une proposition rejetée jusqu'à présent par la commission à l'industrie. Et il n'est pas sûr que le gouvernement français accepte un tel compromis compte tenu des noirs dessins qu'il prête aux parlementaires européens. Le paquet télécom dans l'impasse Le cabinet de Christine Albanel l'a réaffirmé à EuroTMT, il n'est pas question d'entériner le paquet télécom si l'amendement 138 n'est pas retiré. Trois ans après le début de la réécriture des directives européennes, le dossier est donc à nouveau au point mort. Pourtant après bien des débats, un compromis entre les Etats membres, la Commission et le Parlement avait fini par émerger sur les principaux points du texte. Notamment sur le statut du régulateur paneuropéen que souhaitait mettre en place la Commission. Entre Viviane Reding qui souhaitait en faire une autorité dotée de tous les pouvoirs et les Etats (soutenus par le Parlement) qui voulaient limiter son rôle à celui d'une chambre d'enregistrement, la solution finalement adoptée est de créer un régulateur adoptant des décisions à la majorité. Ce qui n'assure pas une meilleure harmonisation des pratiques nationales et la constitution d'un réel marché européen des communications.