Hadopi : la labellisation des offres légales est adoptée dans une certaine confusion
« Il ne s'agit pas d'un clivage droite-gauche. Dans cette affaire, il y a ceux qui sont dans le coup et ceux qui sont 'has been'. » La formule, du député socialiste Jean-Louis Gagnaire, résume parfaitement l'approche qu'ont les intermittents du Palais Bourbon du projet de loi Création et Internet : d'un côté, une poignée d'élus au fait des enjeux et réalités du monde de l'IT ; de l'autre, une auguste cohorte prompte à manier le lieu commun voire les contre vérités, brandissant l'étendard des défenseurs des artistes, rangée derrière la ministre de la Culture. Illustration avec la démonstration conduite par Lionel Tardy. Le député explique qu'il est aisé, pour n'importe quel internaute, d'envoyer un courriel en modifiant à l'envi l'identité de l'expéditeur. Dès lors, il est à craindre que des spammeurs imitent les mails d'avertissement de l'Hadopi afin d'en affaiblir l'efficacité. « Ce sera un sport national », surenchérit Christian Paul. « Quel intérêt ?», répond Christine Albanel, illustrant ainsi la vision parcellaire qu'a la majorité du dossier. Pire, la ministre, plutôt que d'expliquer comment le dispositif qu'elle soutient sera apte à fonctionner, se réfugie derrière un manichéisme consistant à assimiler les opposants au projet de loi à des partisans de l'action illégale : « Je trouve pour le moins étonnant que dans ce débat, certains se placent systématiquement du côté des cyberdélinquants. » Un codicille adopté au mépris d'arguments frappés du sceau du bon sens L'un des moments forts des débats tenus hier, 31 mars, a concerné le vote de l'amendement 50, prévoyant la mise en place d'une labellisation des sites qui proposeront des offres de téléchargement légal. En clair, ces sites pourront demander à recevoir un logo officiel, présenté comme un encouragement au développement des offres légales. Si le codicille a finalement été adopté, c'est au mépris des arguments pourtant frappés du sceau du bon sens déployés par ses détracteurs. Outre que le principe de labellisation sera difficilement applicable, car censé concerner tous les sites non marchands - donc des milliers de blogs et pages personnelles susceptibles de proposer du contenu à télécharger - il méconnaît également la réalité du Web en préconisant « la mise en valeur, ainsi que l'actualisation d'un système de référencement complet ». En d'autres termes, les moteurs de recherche seront censés remonter, dans leurs résultats, les liens conduisant à des sites labellisés. « Aucun moteur de recherche n'acceptera de modifier ses algorithmes de recherche », souligne Jean Dionis du Séjour. « Nous n'allons par entrer dans les logiciels et les algorithmes de Google », répond Franck Riester, le rapporteur du projet de loi. « C'est ce qui est écrit dans l'amendement », rétorque finalement Martine Billard.