Hadopi 2 : à quand le prochain déraillage du gouvernement ?
La loi Hadopi 2 est certes votée mais le gouvernement n'est pas au bout de ses peines, pas plus que l'industrie du CD/DVD. Cette dernière devra-t-elle suivre l'exemple d'iTunes ? La loi sera difficile à mettre en oeuvre. (Source EuroTMT) Comme un seul homme ou presque (seulement 258 d'entre eux ont voté pour), les députés de la majorité ont fait passer le projet de loi HADOPI 2, qui complète la première loi avec un dispositif de sanction un peu modifié par rapport au projet de loi initial. Ce dernier avait été annulé (aux termes d'un jugement sanglant pour le gouvernement) par le Conseil Constitutionnel. Pour autant, si après le vote des sénateurs intervenu en début de semaine, la loi est donc à nouveau sur les rails, rien n'assure qu'elle ne va pas dérailler au prochain tournant. Les députés socialistes ont en effet déjà annoncé qu'ils déposeraient un nouveau recours devant le Conseil Constitutionnel. Si le gouvernement, se pliant à l'avis du Conseil Constitutionnel, a mis entre les mains de la justice la possibilité de sanctionner l'internaute qui télécharge illégalement, le nouveau dispositif prévoit toutefois que le juge pourra prendre sa décision grâce à une procédure accélérée. En clair : sans qu'il y ait de débat contradictoire. Le Conseil Constitutionnel devra donc dire si cette procédure respecte les droits de la défense et est compatible avec, non seulement le droit français, mais aussi avec la jurisprudence de la Cour européenne de justice, qui érige en principe absolu le droit à un procès équitable. Avant de pousser des cris de victoire, le gouvernement et le chef de l'Etat devront donc attendre encore quelques semaines et l'avis des Sages. De plus, comme l'indiquent de nombreux spécialistes, cette loi, très fortement répressive, ne répond pas au problème et m'empêchera en rien le téléchargement illégal. Comme dans de nombreux pays, le gouvernement français (influencé par le lobby de la musique ?) a fait une erreur d'analyse fondamentale : croire que la crise du marché de la musique s'explique uniquement par le téléchargement illégal. C'était oublier plusieurs éléments. Tout d'abord, les ventes de CD ou de DVD se sont effondrées parce que les majors ont refusé, au tournant du 20ème siècle, de prendre en compte les effets de la révolution technologique liée à : - la numérisation des contenus, - au développement rapide de l'internet, - au haut débit. En conservant les prix de vente de CD/DVD à des niveaux très élevés, elles ont amené un nombre croissant d'internautes à aller voir ailleurs, la généralisation des sites de Peer to Peer facilitant la diffusion illégale des oeuvres. A l'inverse, les succès comme ceux d'iTunes (Apple) ou, en France, de la plateforme de téléchargement de musique de SFR, montrent que des internautes sont prêts à payer dès lors que des offres légales sont facilement accessibles à des tarifs bon marché. D'autre part, en misant pendant des années sur l'exploitation du catalogue existant, les majors ont fait un calcul financier à court terme, laissant le soin à d'autres de lancer de nouveaux talents qui se sont d'abord fait connaître par la scène. Les spectacles (avec les articles dérivés) sont devenus un élément central de l'équation économique du marché de la musique, comme le montre le poids grandissant des grands organisateurs de concerts. Enfin, durant cette période, les revenus des artistes (et plus généralement des ayants-droits) n'ont pas connu de crise, comme le montre l'évolution des ressources distribuées par la SACEM : la baisse des ventes de CD a été plus que compensée par la diversification des sources de recettes. Cette loi inutile laisse donc le problème entier, comme l'a reconnu implicitement le gouvernement, en confiant une mission à Patrick Zelnick pour proposer des mesures concrètes pour développer l'offre légale. Une loi inapplicable ? Pour certains spécialistes, non seulement la loi HADOPI est inutile, mais aussi elle est inapplicable. La raison : avant de pouvoir mettre en place la riposte graduée, la haute autorité doit déjà publier la liste des logiciels anti-piratage permettant à l'internaute de faire la preuve de sa bonne foi. Dans le même temps, les opérateurs devront mettre en place les outils permettant d'identifier les fautifs. Et l'on sait que certains d'entre eux (comme Free) sont totalement opposés à la loi. Enfin, beaucoup craignent une congestion des tribunaux, aboutissant à ce que seules quelques peines soient rendues.