Google rêve, les E/S tremblent
L'Intel Developer's Forum, nous apprend le New York Times, a été l'occasion pour Google d'émettre une suggestion technologique fondamentale: faire en sorte que l'intégralité d'un ordinateur soit alimentée en 12 Volts, et non plus par une multitude de tensions, nécessitant chacune un circuit de régulation abaisseurs de voltage distinct, et autant de pertes de conversion. Au total, avance Google, l'économie réalisée pourrait atteindre 40 milliards de Kilowatts/heure par an -soit une somme moyenne de 5 milliards d'Euros, en prenant pour base 100 millions de machines en fonctionnement 8 heures par jour. La demande est-elle plausible ? Sans le moindre doute. Le temps est loin ou la majorité de la logique informatique était constituée de circuits 74LSxx exigeant du 5V. Les entrées-sorties nécessitant des niveaux standard TTL peuvent fort bien s'accommoder de petits convertisseurs locaux ne consommant que quelques milliampères -Maxim, par exemple, en a fait son cheval de bataille-. En attendant bien entendu de voir apparaître une nouvelle norme de communication sériel utilisant du 12 volts... on l'appellerait par exemple USB-232C. N'oublions pas non plus que la taille des câbles d'alimentation s'en trouverait fortement allégée, tant d'un point de vue routage -il n'existe qu'un seul « Vcc » et une masse- qu'en matière de diamètres des conducteurs. A puissance absorbée égale, doubler la tension revient à diviser l'intensité passante par deux. Et la grosseur d'un conducteur est fonction de l'intensité transportée, et non de son voltage. Reste que si l'on tente d'utiliser des tensions « basses » (5V et 3,3V, ou négatives -5 et -12V), c'est qu'il existe un équilibre subtil entre les impératifs de miniaturisation et d'intégration, la rapidité du composant, la barrière de potentiel caractérisant les jonctions P/N, la physique des cristaux, l'utilisation éventuelle d'étages comparateurs à amplis op ... le passage au 12 V unique serait envisageable à condition de repenser certains circuits intégrés, processeurs en tête, et accepter une période de stase, voir de régression en matière de rapidité processeur. On sait, depuis fort longtemps, fabriquer des circuits de commutation à plus de 24 GHz alimentés en 12 V, mais dans le domaine analogique ou impulsionnel de puissance. En microélectronique logique C-Mos, c'est une toute autre histoire. Ajoutons en outre qu'il existe une religion encore plus intransigeante que les ordres carmélites : l'habitude chez les électroniciens. L'adoption du 12 V et du 5V est le fruit d'une très longue histoire, liée pour la première à l'industrie des accumulateurs, et pour l'autre à la genèse des tous premiers circuits numériques, ECL et TTL notamment. Le 3,3V est encore jeune, mais tiré par le marché de masse de la mobilité. Non pas parce que l'on « consomme moins » à 3,3V -la loi d'Ohm n'a pas disparu-, mais parce qu'il est notamment possible d'éliminer une cellule d'accumulateur par rapport à une « pile 5V ». Toujours pour des motifs de miniaturisation. La proposition Google est donc difficilement concevable, mais pas impossible. En revanche, l'argument purement électoraliste de l'économie d'énergie, celui laissant entendre qu'avec une tension unique l'on parviendrait à atteindre un rendement énergétique de 80% est une pure fantaisie. Là encore, le fondement technique est exact, le rendement d'une alimentation à découpage frisant effectivement les 80%, voir mieux, lorsqu'elle est bien fabriquée. Mais d'autres contraintes, en particulier celles des quantités de production et des marge d'erreur liées à la qualité des composant et des matériaux utilisés (donc de leur prix) sont telles que ledit rendement risque de ne jamais dépasser 60%. Et ce, notamment sur des équipements bas de gamme et grand-public, ce qui représente et de très loin le volume de marché le plus important qui soit. Pour l'heure, les 5 milliards d'économie, ce sont les fabricants OEM qui le réalisent, sur le dos des consommateurs. Et il est peu probable qu'une bonne intention émise par un géant du logiciel parvienne à donner mauvaise conscience aux géants d'en face, ceux du matériel.