Garde à vue pour un SMS jugé "menaçant"
C'est le 16 avril dernier qu'a été mis en garde à vue Stéphane, un abbevillois de 29 ans, pour « Non-dénonciation de crime ». Il avait reçu le SMS suivant : « Pour faire dérailler un train, t'as une solution ? ». L'opérateur concerné est Bouygues Telecom. De quelle façon ce SMS est-il remonté aux autorités ? L'affaire remonte au 16 avril dernier et a été révélé par le Courrier Picard. Stephane, abbevillois de 29 ans, est placé en garde à vue pour « Non-dénonciation de crime » après avoir reçu le SMS suivant : « Pour faire dérailler un train, t'as une solution ? ». L'opérateur concerné est Bouygues Telecom. Mais de quelle façon ce SMS est-il remonté jusqu'aux autorités ? Rappel des faits : Le portable de Stephane est tombé en panne. Son opérateur lui en a donc prêté un en remplacement le temps de la réparation. Le téléphone lui est rendu le 15 avril, et il est convoqué au commissariat le lendemain pour explication, mais se retrouve rapidement placé en garde à vue. Il s'explique dans le Courrier Picard : « Ils voulaient avoir des précisions sur ce SMS. Je m'y suis rendu sans aucune appréhension, je ne voyais vraiment pas où était le mal. » Mais sitôt arrivé au commissariat, le ton change. « J'entends parler d'affaire criminelle, de terrorisme, et d'une garde à vue qui pourrait durer dix jours, raconte Stéphane. On me demande si je suis capable de choses farfelues comme, par exemple, faire dérailler un train. » L'application du principe de précaution Selon l'AFP, dans un article daté du 4 mai, le SMS en question aurait été reçu le 17 février. Quant à l'emetteur du SMS, il est convoqué peu de temps après. Les deux interpellés seront finalement libérés après 24 heures de garde à vue. Le procureur de la République d'Abbeville, Eric Fouard, explique : « La procédure pénale est la même pour tout le monde, que le risque soit probable ou peu probable ». Le principe de précaution qui prévaut en matière de terrorisme expliquerait donc la réaction des forces de police. Reste donc à savoir comment le contenu de ce SMS est parvenu jusqu'aux forces de l'ordre. Une dénonciation qui n'est pas (juridiquement) possible L'article du Courrier Picard semblerait laisser entendre que l'opérateur a dénoncé Stephane après avoir intercépté le SMS. L'autre explication serait qu'au cours des opérations de réparation, un technicien serait tombé sur ce SMS. Maître Eolas, avocat et célèbre bloggueur juridique, rappelle la législation en vigueur : « Ce n'est pas (encore) juridiquement possible [que l'opérateur dénonce une communication]. L'article L. 34-1 des Postes et communication électroniques fixe les informations conservées et tenues à la disposition de la police, et cet article précise bien que ces informations « ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications. » (Il faut chercher un peu, c'est le 2e alinéa du V). » Une porte-parole de Bouygues Telecom aurait déclaré à l'AFP : « Les opérateurs n'ont pas accès au contenu des SMS et ils ne sont pas autorisés à délivrer le contenu des SMS, sauf sur réquisition judiciaire. ».Elle aurait ajouté « En aucun cas les opérateurs ne peuvent en prendre connaissance ». Bouygues Telecom ne désire pas communiquer sur cette affaire, et déclare ne pas connaître cette porte-parole. Le porte-parole d'un autre opérateur mobile qui ne tient pas à être cité confirme cette position : « conformément au respect de la confidentialité des correspondances, les opérateurs n'ont pas accès au contenu des messages ou des conversations. Même en cas de réquisition judiciaire, les opérateurs n'accèdent pas directement aux contenus des échanges, ils interviennent en tant qu'intermédiaire technique pour donner accès aux contenus concernés aux autorités compétentes. » Toutefois, le procureur de la République d'Abbeville Eric Fouard, cité par le Courrier Picard, ne semble pas partager la même position : « l'opérateur a le droit de consulter ces messages et le devoir d'alerter les autorités s'il estime qu'un crime ou un délit est susceptible d'être commis. » Nous en étions là à 17 H 25, le mardi 5 mai, lorsqu'une dépêche de l'AFP, proposait une nouvelle version de l'événement. Selon l'AFP, qui a interviewé Eric Fouard, c'est un agent de sécurité de la SNCF qui a constaté l'existence du message SMS litigieux dans le téléphone de prêt que lui avait confié son agence Bouygues Telecom. Cet agent aurait alors averti les autorités de l'existence de ce message. Et ces dernières ont alors placé en garde en vue l'abbevillois de 29 ans. Que peut-on dire ? L'agence aurait au moins dû effacer la mémoire du téléphone. Et qui peut réellement croire que quelqu'un qui recherche une solution pour faire dérailler un train, pose la question de manière aussi abrupte et naïve via un SMS ?