France Télécom a dilapidé 20 milliards d'euros auprès des actionnaires, selon des syndicats
20 milliards d'euros auraient été dilapidés afin de rémunérer les actionnaires par France Télécom selon la CFE-CGC/UNSA et l'ADEAS. Objectif 14 Juin : les syndicats demandent que le dividende soit fixé à 1 euro contre les 1,4 € prévus.
Les comptes publiés par France Télécom sont souvent entourés d'un aimable brouillard malgré un déluge chiffres qui fait qu'il reste difficile de comprendre ce que la société fait réellement de ses revenus. Le roi est nu affirme certains syndicats.
Les syndicats CFE-CGC/UNSA et l'ADEAS donnent un coup de projecteur au travers de ce brouillard pour affirmer leur opinion : France Télécom donne excessivement aux actionnaires, en s'endettant même pour cela, et n'investit pas assez pour préparer l'avenir ni rémunérer ses employés.
Afin de mettre fin à ce système, les syndicats entendent s'appuyer sur le fait que pour la première fois dans l'histoire d'une entreprise cotée au CAC40, le 14 Juin, les actionnaires pourront voter pour une résolution présentée par les représentants des salariés actionnaires de l'entreprise sur le montant du dividende.
Les syndicats considèrent qu'Apple, Microsoft ou Google n'ont versé aucun dividende pendant plusieurs décennies, pour concentrer leurs moyens sur la croissance et l'innovation. Ils comptent sur tous les actionnaires pour voter en faveur d'une résolution, intitulée résolution « A », qui fixera le dividende de France Télécom à 1 euro, et contre la résolution 3, qui le maintient à 1,40 euro par action, au détriment des intérêts de l'entreprise et de la collectivité.
La CFE-CGC/UNSA et l'ADEAS affirment combattre depuis plus de trois ans une distribution de dividende qui dépasse les bénéfices nets de l'opérateur télécoms. Cela aurait même obligé l'entreprise à puiser dans ses réserves ainsi que de maintenir un recours à l'emprunt, notamment pour verser les acomptes sur dividende, devenus la règle depuis 2008.
Ces syndicats proposent de voter le 14 juin pour le dividende à 1 euro. Cela devrait constituer la seule alternative pour donner à France Télécom les moyens financiers d'affronter les enjeux immédiats auxquels l'entreprise doit faire face, et pour préserver l'emploi sur le moyen terme, alors que les opérateurs de télécommunications français auraient déjà détruit plus de 32 000 postes en 12 ans, selon eux.
Photo : Stéphane Richard, patron de France Télécom sur la sellette.
Les syndicats estiment qu'il y a une présentation artificielle des chiffres, avec un dividende exprimé en pourcentage du cash flow opérationnel dans les documents financiers. Selon eux, la réalité des dividendes versés par France Télécom est extravagante.
Les syndicats s'insurgent et estiment que pour l'exercice 2009, les seuls dividendes versés aux propriétaires de la maison mère - soit 3,65 milliards d'euros - dépassaient le montant des bénéfices nets - c'est-à-dire 3,47 milliards d'euros.
De même, ce sont 4,3 milliards d'euros qui auront été versés au titre de l'exercice 2010, alors que le résultat net de l'opérateur était de 3,8 milliards d'euros sur les activités poursuivies. Idem, près de 4,4 milliards d'euros devraient être versés au titre de l'exercice 2011, pour un résultat net de 3,9 milliards d'euros, si le dividende de 1,40 proposé par le Conseil d'Administration est pris comme référence.
Les syndicats soulignent tous les investissements nécessaires pour l'opérateur qu'il s'agisse des réseaux fibre et 4G mobile actuellement. Sans oublier, depuis début 2012, la concurrence de Free Mobile, « qui l'amène à réduire ses marges pour rester compétitive sur le plan tarifaire, mais l'oblige aussi à innover pour mieux servir ses clients » selon ces syndicats.
Ils estiment que les personnels de l'entreprise sont d'ores et déjà pénalisés financièrement : leur rémunération brute annuelle baisserait de 1 300 € en moyenne en 2012 (baisse de la participation versée au titre de l'exercice 2011, et suppression de l'intéressement exceptionnel), et ils sont soumis à une politique de modération salariale qui ne permet pas de compenser l'inflation subie en 2011.
Les syndicats craignent maintenant pour l'emploi. Ils pensent que France Télécom a perdu 54 000 emplois entre 1998 et 2009, non compensés par les créations d'emplois chez les autres opérateurs. Ils chiffrent à 32 000 le nombre de postes perdus pendant la même période dans le secteur, alors que son chiffre d'affaires croissait de 80% et que seule la volonté de rétablir l'entreprise après la crise sociale a permis de relancer les embauches (2 000 en 2010, 3 200 en 2011).
Les syndicats veulent une poursuite du rajeunissement des effectifs qu'ils estiment bénéfique à la dynamique de croissance, dans une période de crise où la lutte contre le chômage est une priorité. Les syndicats CFECGC/UNSA et l'ADEAS, association des personnels actionnaires, ont convaincu les représentants des salariés actionnaires de présenter une résolution fixant le dividende à 1 euro par action.
Cette résolution « A » est donc proposée au vote de l'Assemblée Générale des actionnaires de France Télécom du 5 juin prochain, en alternative à la résolution « 3 » présentée par le Conseil d'Administration, qui laisse le dividende à 1,40 euro par action. L'État demeure le premier actionnaire de l'entreprise avec 27% du capital (via l'APE et le FSI) et a été invité à voter pour le dividende à 1 euro, lors de l'audience des syndicats au Ministère des PME, de l'innovation et de l'économie numérique le 22 mai dernier.
Selon les syndicats, l'État aurait beaucoup à gagner d'un investissement conséquent dans les réseaux de dernière génération sur le territoire français, dont le déploiement doit contribuer à la relance que le nouveau gouvernement de François Hollande entend mettre en place. Selon eux, par le biais des multiplicateurs keynésiens, l'investissement fera rentrer sensiblement plus de recettes fiscales et sociales dans les caisses de l'État que la perte de 40 centimes d'euros sur le dividende, en ayant une incidence positive sur l'emploi. Un tel vote constituerait en outre un signal fort d'un véritable changement de politique économique.
Les syndicats relèvent que la Société Générale a renforcé ses fonds propres de 500 millions d'euros en ne versant aucun dividende au titre de l'exercice 2011, et est actuellement second actionnaire de l'entreprise, a également été sollicitée, pour permettre à France Télécom de préserver 1 milliard d'euros de fonds propres.