Emplois dans les télécoms : la fausse polémique
C'est un scénario qui devient habituel, le ministre de l'industrie accuse Free de détruire des emplois. La polémique vient de rebondir à l'occasion d'annonces tarifaires de Free Mobile pour sa 4G, le débat de fond est heureusement beaucoup plus complexe.
Parler d'emplois dans les télécoms c'est mélanger plusieurs mondes, principalement celui des opérateurs et celui des équipementiers. Les deux sont eux-mêmes composites. Chez les opérateurs, rappelle le professeur d'économie Bruno Deffin, pour parler d'emplois il faut distinguer ceux des opérateurs eux-mêmes, de leur partenaires de premier rang (boutiques, conseil, assistance), des partenaires de deuxième rang (grossistes, centres d'appels, maintenance). Pour les équipementiers, leur cas propre et celui d'Alcatel-Lucent en France en particulier est un premier volet, celui des intégrateurs, on pense à NextiraOne où sont nées des inquiétudes, en est un second. La grande masse des intégrateurs de plus petite taille, moins visibles et soumis à une forte concentration, est également très concernée.
Sur le même sujetFleur Pellerin conforte le futur accord SFR / Bouygues TélécomLa perte d'emplois est donc avérée, mais dans la deuxième catégorie. Celle où l'on entend le moins le Ministre ! C'est pourtant là où se concentrent des emplois de valeur, d'ingénieurs et de commerciaux formés en France, en lien avec l'éco-système français. Des emplois rémunérés pour cette formation et cette expérience.
Stabilité de l'emploi global
Dans la première catégorie, en revanche, les pertes d'emplois sont moins claires. Le Président de l'Arcep, Jean-Ludovic Silicani expliquait au mois d'avril dernier que l'emploi restait stable en France, avec 128 000 salariés dans les télécoms en général en 2012, le même chiffre qu'en 2011 (voir schéma). Pour l'emploi direct, Free Mobile aurait créé 2 500 emplois, Bouygues Télécom a engagé un plan de départ volontaires de 500 personnes, SFR de 1123 (avec 267 créations). Dans l'emploi indirect, les chiffres sont moins connus, les centres d'appels, affirment être en hausse d'activité (et donc d'emplois), la distribution est beaucoup plus pénalisé comme en témoigne le spectaculaire dépôt de bilan de The Phone House (1200 postes en jeu).
Pour être complet, on ne peut parler de destruction sans parler de création. Elles sont avérées chez Free, par la création de nouveaux opérateurs en région (avec le mouvement des RIP), ou bien avec les start-up de la fibre optique, telles que CAILlabs. Des entreprises comme Solutions 30 ont une croissance spectaculaire en réalisant, directement ou par sous-traitance, une partie de leurs activités dans l'installation de fibre optique ou l'assistance aux utilisateurs.
Inversement, les créations d'emplois ne remplacent jamais les destructions en termes de valeur. Des postes en centres d'appel et en assistance technique ne requièrent pas les mêmes profils que les ingénieurs des intégrateurs et des équipementiers. Le débat et surtout les données pourraient donc être mieux cernés. Il faut également s'interroger sur l'origine de ces pertes d'emplois. Low cost, passage en offshore, perte de contrôle de la R&D, erreurs stratégiques ?