Editorial. Recomposition des télécoms : l'exception française
L'Europe des télécoms ne parle que de ça. Toute l'Europe ? A l'ouest du continent un pays de forme hexagonale discourt aussi de restructuration et de rachats d'opérateurs, mais chez les autres. En France, nul opérateur autre que national ne procède à des rachats d'opérateur national. Le sort de SFR s'est disputé entre français. Les requins d'outre-manche ou d'ailleurs sont priés de passer leur chemin.
Vodafone a ainsi jeté l'éponge en 2011, en cédant à Vivendi sa participation dans SFR. Les deux acteurs restent quand même liés par un accord sur quatre ans, signé l'an passé, pour proposer des offres communes aux grands comptes internationaux. Bouygues Télécom dispose d'un tel accord avec Telefonica et l'a complété par la création d'une joint-venture, annoncée il y a dix jours. Loin de nous l'idée de négliger ces partenariats qui ciblent les multinationales et des chiffres d'affaires conséquents. Mais là encore, si les accords sont possibles, ce sera sans participation dans un opérateur français.
Quant au câble, le mythique John Malone, Pdg du cablo américain Liberty Global, sort son carnet de chèque un peu partout, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni. Sauf en France, où la pratique du chèque reste pourtant vivace ! Il a même vendu sa filiale UPC en 2006 à Altice, société fondée par son ancien collaborateur Patrick Drahi. Lequel multiplie les rachats, au Portugal, en Israël, aux Etats-Unis. Orange a fini par s'offrir Jazztel en Espagne et reste puissant en Pologne, au Moyen-Orient et sur une partie de l'Afrique. Free reste sage, mais Xavier Niel personnellement a fait ses emplettes en Israël à Monaco, au Kosovo et en Afghanistan.
La réciproque n'est pas vraie. Au capital de nos opérateurs, les étrangers trouvent porte close. Encore une exception française. On ne sait s'il faut s'en réjouir, au nom de la protection de nos intérêts bien compris, ou le déplorer, en regrettant un manque d'animation qui serait bénéfique au secteur. Après la main invisible du marché, il faudrait sans doute théoriser sur la main invisible de Bercy.
Didier Barathon