Du spyware dans les Thinkpad
Les histoires d'espionnage se portent bien cette semaine. Après l'affaire Haephrati, voilà le DHS dans l'air du Grand Soupçon : le Gouvernement US envisage l'ouverture d'une enquête visant le fabricant d'ordinateurs Lenovo. Comme l'Administration Fédérale pense dépenser près de 13 millions de dollars d'ordinateurs auprès de cette entreprise, il est légitime de s'assurer auparavant que lesdites machines ne contiennent pas de programme espion caché derrière un Bios ou masqué dans les recoins d'un processeur graphique. Jusqu'à présent, rien là que de très normal, surtout lorsque l'on sait que Lenovo est une société dont une partie des unités de production sont situées en Chine Populaire. Et lorsque l'on connaît l'amour immodéré des USA pour la pensée Mao Zedong, les théories Marxistes-Léninistes et le centralisme d'un PC qui n'a rien d'informatique... Cependant, les fonctionnaires américains, en choisissant un constructeur Chinois, ont fait preuve d'un patriotisme exacerbé. Car Lenovo n'est autre que le repreneur de l'activité «fabrication » des PC IBM. Lequel IBM -tout comme Compaq, HP, Dell et tant d'autres- sous-traitait depuis fort longtemps déjà la production de ses machines aux mains ouvrières de l'Empire du Milieu. Alors, pourquoi ce genre de soupçons infondés s'interroge le quotidien Daily Tech. Est-ce là la conséquence d'une queue de budget du Department for Homeland Security, ou le fruit du travail d'un fonctionnaire désoeuvré ? Peut-être pas. Il serait en effet bien irresponsable que personne ne se pose la question. D'une manière plus générale, cela revient à se demander quel prix un Etat est prêt à payer pour que des équipements considérés comme stratégiques soient produits par des entreprises nationales sinon nationalisées. Et surtout si ce prix est inscrit dans une politique à long terme et cohérente. C'est là toute la question du bien fondé du Plan Calcul de notre Grand Charles à nous, du maintien sous oxygène de la division Micro de Bull -celle qui soulevait l'hilarité des journalistes à chaque nouvelle sortie de machine- et, de façon plus générale, du soutien d'un état pour ses propres manufactures d'armes, ses centres de recherche, sa dépendance énergétique ou ses infrastructures de communication. C'est la confrontation d'une école favorable à un gouvernement dirigiste mais acteur du tissu industriel, s'opposant à une ligne politique prônant le libéralisme à outrance et l'off-shoring à tout-va. L'on pourrait tout de même avancer une toute autre hypothèse sur les raisons profondes de cette enquête : le prix du tout dernier Thinkpad X. Ce petit bijou au format Tablet PC qui fait frémir d'envie l'équipe de CSO France, frise allègrement les 2500 Euros TTC. Une bonne petite campagne de dénigrement, un léger fléchissement des tarifs à la vente... sur un marché de 13 millions de dollars, tout çà peut commencer à représenter une coquette somme. Après tout, l'Administration a bien le droit, elle aussi, d'adopter des techniques d'intelligence économique et de désinformation, libéralisme oblige.