Distribution : les boutiques de téléphonie mobile en danger
150 boutiques Orange vont fermer. De leur côté, The Phone House, Carrefour, Darty sont déjà impactés par Free Mobile.
Mi-janvier, Free lançait son offre mobile, l'agressivité commerciale et les cafouillages du réseau une fois passé, les effets sont évidents. Chaque concurrent doit se remettre en cause, commercialement mais aussi en termes d'emploi, avec un gouvernement qui ne sait que faire, même s'il sait quoi dire.
Révélé par la CFE-CGC UNSA, le plan de fermeture de 150 boutiques de France Télécom ne devrait pas entraîner de licenciements. Etalé sur trois à cinq ans, il devrait se faire par redéploiements d'effectifs. Les salariés seront incités à rejoindre d'autres boutiques ou d'autres services de l'opérateur dominant. Incités, mais incités comment ? C'est la première question.
Sans aller jusqu'à rappeler un passé récent et les suicides chez France Télécom, la question du redéploiement n'a rien d'évidente. France Télécom compte deux sortes de boutiques. Des boutiques en propre, soumises à un accord d'accompagnement national en cas de mutation du salarié. Des boutiques de sa filiale Générale de Téléphone (qui gérait les ex boutiques Photo Station / Photo Service, rebaptisées Orange), elles sont 280, où n'existe pas un tel accord. En clair, les salariés des boutiques en propre recevront un dédommagement, pas les autres, pourtant soumis à la même politique. Les premiers ont également plus de facilité à être redéployés étant donné la capillarité du réseau de boutiques Orange.
Pas les mêmes droits
Autre différence, les droits des salariés ne sont pas les mêmes dans les deux réseaux. Convention collective, salaires, congés, classification : tout diffère. Dans ces conditions, des personnels de la Générale de Téléphone peuvent-ils être intégrés dans des boutiques en propre de France Télécom et réciproquement ? Des pressions iront-elles au-delà du raisonnable pour que l'encadrement obtienne des « résultats » en termes de transferts ?
Le plan annoncé en interne ne manque pas de bizarreries, il passe par la fermeture de points de vente dans les zones urbaines, remplacés par des implantations, soit en zone rurale, soit dans les centres commerciaux. Il porte sur 150 boutiques dans le réseau en propre. Les chiffres pour la filiale Générale de Téléphone ne sont pas encore connus. Autre surprise, des boutiques rentables peuvent être dans le projet de fermeture. « Des boutiques rentables de la Générale de Téléphone sont fermées au profit d'agences France Télécom pourtant plus couteuses en fonctionnement » note même le syndicat !
Un effet de l'arrivée de Free Mobile
Un effet de l'arrivée de Free Mobile
Derrière, remarque Sébastien Crozier, Président de la CFE-CGC UNSA de France Télécom Orange, il faut se rappeler le contexte. « La fermeture de boutiques de France Télécom vient après celles de The Phone House, la réduction de points de vente télécoms chez Carrefour et Darty, la vente du MVNO Carrefour à Orange. A chaque fois c'est un effet de l'arrivée de Free Mobile. L'emploi est impacté. On en parle pour les opérateurs, on en parle pour les équipementiers, mais un troisième sujet doit être maintenant mis en lumière : celui de l'emploi dans la distribution télécoms. »
Et encore, remarque toujours Sébastien Crozier, ne parle-t-on que des grandes enseignes. Les petites boutiques de proximité, celle des indépendants sont sévèrement touchées, dans le silence général. Après la purge en cours, ne subsisteront probablement que de grands réseaux, mais restructurés.
Destruction de valeur
Cette purge a une explication : la destruction de valeur. Il faut bien comprendre pourquoi des boutiques télécoms vont fermer et pourquoi des emplois sont supprimés ou redéployés chez les concurrents de Free Mobile. Son lancement s'est fait par le Net. Les répliques, Sosh chez Orange, Be and You chez Bouygues Télécom se font par le Net, et à des prix alignés sur ceux de Free Mobile, donc bien moins élevés. La destruction d'emploi est due à une diminution de la valeur commerciale des ventes de mobiles. Diminution générale et rapide sur le marché français. Des ventes moins nombreuses et de moindre montant en boutiques imposant les plans actuels dans la distribution télécoms.
Entre temps, entre le lancement de Free Mobile et l'annonce de suppression de postes dans le secteur, un gouvernement est pourtant arrivé au pouvoir. Il a mis en avant la question de l'emploi. Au mois de juillet, Arnaud Montebourg lançait son projet de rapatrier les emplois délocalisés dans des centres d'appel télécoms offshore. Il a fait long feu. Pour deux raisons : l'imposer aux pays concernés serait désastreux pour l'image de la France, l'imposer aux opérateurs entraînerait de leur part une hausse des tarifs. C'est le fameux : il faut choisir entre favoriser l'emploi ou le consommateur. Le Gouvernement actuel privilégie l'emploi, mais sans avoir les moyens de cet objectif. « Nous sommes très, très loin dans les télécoms d'un vrai programme de relance » souligne Sébastien Crozier.
Montebourg et Pellerin vivent à boboland
Montebourg et Pellerin vivent à boboland
La CFE-CGC Unsa propose donc plusieurs mesures comme lier l'attribution de nouvelles fréquences de téléphonie mobile à des engagements sur l'emploi et à une localisation de ces emplois en France. Elle souhaite une meilleure couverture du territoire, chaque progression de la fibre optique et chaque ouverture d'une boutique liée, permet de vendre d'autres offres télécoms. « Mais Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin semblent vivre à boboland » lâche excédé Sébastien Crozier, qui plaide en faveur d'un plan d'ensemble cohérent pour la filière.
Les deux ministres (Montebourg et Pellerin) seraient quant à eux favorables à un label décerné aux opérateurs et à leurs offres, s'ils respectent un minimum d'emplois localisés en France. Pour eux, l'accroissement de la qualité des services télécoms permettrait aussi de créer des emplois.
Les propositions syndicales ne manquent pas, du côté gouvernemental l'écoute existe, mais pas la décision semble dire la CFE-CGC Unsa. Par exemple, le syndicat voulait que France Télécom abaisse son dividende, ce qui aurait dégagé des sommes importantes et permis un milliard d'investissement. Mais le gouvernement a préféré laisser passer ce dividende et en retirer 135 millions d'euros (le fruit de sa participation) pour boucler son budget. Comme si le syndicat savait parler de politique industrielle, alors que les pouvoirs publics ont plus de difficulté, en tout cas dans les télécoms.
Emplois : les "ruses" de Stéphane Richard
Stéphane Richard a annoncé et largement fait connaître son plan de 4 000 embauches. Mais France Télécom connaît aussi 9 000 départs en retraite chaque année. Et 40% des effectifs ne sont pas des fonctionnaires. Se manifeste donc un phénomène d'attrition, de départs naturels (vers la concurrence ou un autre métier) comme dans le privé.
Les 4 00 embauches ne rendent pas compte de l'évolution réelle des effectifs de l'opérateur. En clair, l'opérateur peut se vanter de ne pas licencier (contrairement à SFR et Bouygues) ce n'est pas pour autant que les effectifs ne diminuent pas.