Dan Serfaty, Viadeo : « Pourquoi il y a aussi peu d'entreprises françaises IT de taille mondiale »
Il vit une partie de l'année à Pékin, le pays où la progression de sa société est la plus forte et il raconte ses rendez-vous dans la Silicon Valley. Mais c'est en plein coeur de Paris que Dan Serfaty, le P-dg de Viadeo a lancé son entreprise. Il analyse, lors d'une réunion du FSI, l'éternel problème du financement des entreprises françaises du numérique.
Distributique : Vous avez créé votre entreprise en 2004 en France, vous venez de lever 24 millions d'euros auprès du FSI (Fonds Stratégique d'Investissement), mais vous vivez en Chine pour développer votre entreprise. Quel regard portez-vous sur l'économie du numérique en France ?
Dan Serfaty : Je me pose des questions et j'aimerais les partager ici avec les investisseurs et tout le monde du numérique. Qu'est-ce qui fait que les entreprises françaises du numérique n'arrivent pas à atteindre la taille mondiale ? Qu'est-ce que les autres ont et que nous n'avons pas ? Je commence à me faire une petite idée de la réponse, nous n'en sommes pas encore au niveau américain. Regardez Facebook en ce moment, avec l'introduction en bourse. 2 ou 3 000 millionnaires vont tout simplement réinvestir une bonne partie des sommes tirées de l'introduction en bourse dans d'autres start up montées par des proches. C'est un état d'esprit et un mouvement sans fin de succès et de financements.
Distributique : Que faut-il faire en France sur ces sujets qui sont quand même débattus depuis quelques années ?
Dan Serfaty : Plus j'évolue et plus je crois essentiel de mettre en lumière trois idées. D'abord le financement. Finalement, en France on est pas si mal placés sur le démarrage des entreprises, les fonds d'amorçage et d'essaimage. Ensuite des SCPI vont prendre le relais pour amorcer un premier développement. C'est ensuite que les choses se gâtent. Il existe peu de structures françaises de capital développement. On cite évidemment Siparex, mais il en existe peu et c'est aussi l'accueil qui est différent. Aux Etats-Unis, vous pouvez aller chez Providence Capital, Sequoia Capital, l'accueil pour les entrepreneurs n'a rien à voir. Les montants non plus ! Quand je pense qu'avec 24 millions d'euros levés on est la plus forte levée de fonds de ces dernières années. Il y a de l'argent en France, mais pas pour des entreprises de notre taille.
Distributique : A supposer que ces structures se mettent en place, est-ce une condition suffisante ?
Dan Serfaty : Il faut à mon avis insister sur deux autres idées. D'abord, le risque vu du côté des entrepreneurs. Et je dirais même la conception de l'échec. Aux Etats-Unis, un entrepreneur c'est comme un mafieux, il doit montrer ses cicatrices, c'est un signe d'expérience. Un entrepreneur peut parler de ses échecs, il en a eu avant de réussir. J'ai entendu le patron de Groupon raconter ses deux dépôts de bilan. Normal.
Troisième idée qui me tient à coeur celle du cluster, de la mise en réseau. Dans la Silicon Valley un ingénieur a tous les soirs des propositions de cocktail où il peut rencontrer ses homologues et les patrons de la Silicon Valley. En France, un ingénieur ne sort pas, il n'en voit pas l'utilité et pourtant nous avons d'excellents ingénieurs. La culture du networking nous fait défaut.