Contenus exclusifs : Canal+ vitupère contre Orange qui joue les anguilles

le 02/07/2008, par Jean Pierre Blettner, Convergence, 1029 mots

La stratégie d'Orange de réserver ses propres contenus exclusifs à ses abonnés ADSL et mobiles suscite la polémique chez ses concurrents et ses partenaires. Canal+ est le plus remonté contre cette nouvelle concurrence qui ne dit pas son nom.

Contenus exclusifs : Canal+ vitupère contre Orange qui joue les anguilles

La conférence « Economie Telecoms 2008 », organisée par Les Echos à La Défense le mardi 1er juillet, aura donné l'occasion d'apprécier de visu les escarmouches qui se multiplient ces derniers temps entre Orange et Canal+. Il faut dire que le premier est en train d'assembler des contenus exclusifs à diffuser sur ses réseaux. Ce que le second a du mal à digérer puisque c'est son coeur de métier depuis ses origines et qu'il croyait pouvoir continuer de compter sur Orange comme client fidèle. A la tribune, Raoul Roverato, directeur exécutif, en charge des nouvelles activités de croissance chez Orange a donné la réplique à Guy Lafarge, directeur général adjoint en charge de la distribution du groupe Canal+. Un modèle interactif que personne ne comprend encore Raoul Roverato joue les anguilles avec un talent consommé, en disant qu'Orange est en train d'inventer des choses nouvelles que personne ne comprend encore, pas même eux à priori, et qui bousculent les habitudes. Selon l'opérateur, le marché se développe, ou de nouveaux marchés, un petit peu à côté. De quoi ébranler un Canal+ jusqu'alors familier d'un contexte concurrentiel plus clair où il affrontait un TPS - désormais disparu - par exemple. Orange réclame qu'on lui laisse du temps. « Nous sommes en train de construire le modèle interactif de demain, le package de consommation entre les trois écrans "TV-mobile-PC" et sa tarification. La plate-forme n'existe pas, on la teste avec des services comme le time-shifting, par exemple. On va l'inventer cette année ou dans les deux ans qui viennent, on veut d'abord créer le service interactif, et après on le distribuera. Dans cinq ans, les choses seront différentes, a justifié Raoul Roverato. Les contenus premium pour faire venir les clients Il reprend : " Nous investissons pour créer un nouveau business. Nos contenus Premium sur le foot-ball et le cinéma sont là pour que les clients viennent regarder. Le principe de l'exclusivité sur les contenus, c'est classique. L'exclusivité, cela fait partie de construire de l'audience. Cela ne pose pas de problème tant qu'Orange ne peut faire levier en s'appuyant sur son réseau ADSL. SFR a bien l'exclusivité de l'équipe de France et de l'UEFA sur les mobiles ! ". Le directeur exécutif précise les limites ... ... des initiatives de l'opérateur. Si Orange doit lancer pour la fin de l'année une chaîne de films et de séries, issus des studios américains, pour autant, il n'entend pas faire de chaîne de télévision généraliste, avec des débats, des plateaux et des journalistes ni créer de société de production. « Avec la numérisation, on trouve les contenus sur tous les médias, mais les métiers restent. Le métier de chaîne TV comme TF1 ou M6, avec des rendez-vous d'audience restera. Le métier de Canal+, celui de sélectionner des chaînes pour de la TV à péage, ils le feront toujours, avance Raoul Roverato. D'ailleurs, ses nouvelles activités ne l'empêche pas de vouloir nouer un partenariat avec Canal+, avec lequel Orange est en négociation actuellement. « ça m'amuse quand Canal+ dit que notre stratégie n'est pas claire, nous on veut être le partenaire de Canal+ , relève Raoul Roverato. Le conseil de la concurrence a validé la démarche de France Telecom Dans cette quête de contenus exclusifs, le conseil de la concurrence aura donné par deux fois raison à France Telecom. L'opérateur s'est vu adouber dans sa diffusion en exclusivité sur son réseau ADSL, en mode TV de rattrapage (« catchup TV »), les programmes de France Télévision. Les concurrents d'Orange s'étaient élevés contre ce privilège. Le conseil de la concurrence a estimé qu'il n'y avait pas de position dominante de France Telecom puisque d'autres modes de diffusion de ces programmes existent : par la voie hertzienne ou sur les sites Web des chaînes de France Télévision. « Les clauses d'exclusivité ne sont pas forcément anti concurrentielles. Il est de droit pour un opérateur de réserver une partie de son offre à ses clients. A défaut d'avoir une position dominante, France Telecom ne peut pas se voir obligé - même par le conseil de la concurrence - de diffuser ses programmes de foot-ball, par exemple, sur les réseaux de Free ou de Neuf Cegetel, rappelle Benoît Philippe, avocat ... ... chez CMS Bureau Francis Lefebvre, également présent lors de la table ronde. L'éléphant Orange dans le magasin de porcelaine de l'audio visuel Ce qui n'empêche pas Canal+ d'être particulièrement remonté. Il faut dire qu'Orange empiète directement sur son savoir faire. « Notre coeur de métier est de gérer l'exclusivité, tout client doit pouvoir y accéder. Je ne comprends pas très bien la stratégie de France Telecom, si ce n'est de nous endormir ou de faire du marketing. Si il faut des contenus premium à Orange, ils n'ont qu'à abonner leurs clients à CanalSat. On ne voudrait pas que pour des fins uniquement marketing, sans vision stratégique, sans responsabilité vis-à-vis du secteur audio visuel, Orange intervienne comme un éléphant dans un magasin de porcelaine relève Guy Lafarge. Pour Canal+, le discours d'Orange n'est pas franc et la stratégie de l'opérateur entraîne des perturbations dans les négociations avec les studios américains. D'ores et déjà, Canal+ avoue avoir perdu des contrats pour des contenus auprès des majors. « C'est concret, quand Canal+ perd des contrats, c'est que quelqu'un a payé plus cher, assène Guy Lafarge. Séparer les contenus et les tuyaux La pression baisse un peu lors de l'intervention d'Emmanuel Forest, directeur général délégué de Bouygues Télécoms. « Je n'ai pas complètement perçu la stratégie de France Telecom. Quant à nous, nous pensons qu'il faut séparer contenu et tuyaux. On ne va pas imaginer qu'il faille changer d'opérateur pour accéder à un événement sportif donné, comme l'euro 2008 de foot-ball, le tour de France, ou les jeux olympiques. La télévision rend un peu fou. Mais il serait absurde qu'il y ait des exclusivités entre TF1 et Bouygues par exemple, ou entre Orange et TF1 parce qu'Orange a plus d'abonnés ». Une stratégie et une modestie qui comme le reconnaît implicitement l'opérateur sont aussi liées à la différence de moyens entre Bouygues Telecom et Orange.

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