Concentration des opérateurs : Bruxelles est contre, Stéphane Richard est pour
En deux jours, deux déclarations publiques, celle de la Commissaire européenne à la concurrence et celle du Pdg d'Orange ont souligné deux points de vue différents. La réduction du nombre d'opérateurs en Europe les oppose, un tournant pour Bruxelles, une idée persistante pour l'opérateur français.
La précédente Commission européenne a soutenu la consolidation du nombre d'opérateurs en Europe et le passage, dans la plupart des cas, de 4 à 3 opérateurs. La nouvelle Commission, installée au mois d'octobre dernier avec Jean-Claude Junker à sa tête, se dirige vers une position opposée. A Paris, lundi, la Commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager a vigoureusement affirmé son analyse.
Globalement, elle rejette l'idée que de grandes fusions sont nécessaires pour améliorer la santé du secteur. C'est pourtant la thèse des opérateurs historiques. « Ils font valoir que s'ils ne peuvent pas fusionner avec certains de leurs rivaux, ils ne pourront augmenter leurs investissements. J'ai entendu cette idée assez souvent, mais je n'ai pas la preuve que c'est la réalité. Il est plutôt prouvé qu'une consolidation excessive conduit à moins de concurrence et donc à des factures plus élevées pour les consommateurs, elle réduit même l'incitation à innover ». Elle a remarqué que les investissements en France ont augmenté après l'arrivée de Free Mobile en 2012. Pour elle, l'investissement dans les réseaux est plus important que la réduction du nombre d'acteurs. Une étude du cabinet Frontier Economics confirme cette analyse que le passage de 4 à 3 acteurs n'est pas forcément bénéfique en termes de prix.
Sur le même sujetSelon l'Idate, les opérateurs ont le choix entre trois scénarios face aux OTTDes rachats en cours de validation
Un discours très carré qui va à l'inverse de celui entendu jusqu'alors à Bruxelles. Il pourrait avoir des conséquences sur les rachats en cours de validation par la Commission. Orange a obtenu le feu vert pour racheter Jazztel en Espagne, sous conditions. Mais, Airdata un opérateur allemand vient de déposer un recours contre l'autorisation accordée à la fusion Telefonica et E-Plus en Allemagne l'an passé. En Autriche, Hutchison a racheté Orange Austria début 2013, le bilan est très discuté. Le cabinet Rewheel qui vient d'étudier le sujet conclut à l'augmentation des prix, les opérateurs concernés plaidant l'augmentation parallèle des capacités et l'amélioration des services pour les abonnés.
Mardi matin à Paris, lors du séminaire de l'Idate, Stéphane Richard a de nouveau affirmé sa position. Elle est clairement en faveur d'une réduction de 4 à 3 du nombre de grands opérateurs. En contradiction donc avec la nouvelle position de la Commission européenne ou bien avec celle d'Emmanuel Macron livrée dans une interview aux Echos le 22 mai dernier (*). Pour Stéphane Richard, la baisse des prix, entamée avec l'arrivée de Free Mobile a atteint un plancher. Sinon « toute l'économie du secteur numérique serait menacée ».
« La France est un exception »
Quant à la concentration il a eu ces phrases très claires : « La taille du marché français plaide plutôt pour un marché à trois, compte tenu des investissements qu'il faut faire, de la convergence fixe-mobile.... "Cette logique de consolidation est à l'oeuvre partout (...) on se demande pourquoi la France serait une exception à cette logique de consolidation ».
(*) « L'heure n'est pas à la concentration entre opérateurs, mais à l'investissement. La concentration, c'est moins d'équipements, moins de réseaux et moins d'emplois. Le secteur est aujourd'hui animé par quatre opérateurs qui ont chacun leur place et qui se sont engagés dans un mouvement général de modernisation de leurs infrastructures, sur la 4G et sur la fibre. Il ne faut pas donner de prétexte à un gel des projets, comme c'est souvent le cas lorsqu'on anticipe une potentielle consolidation. »
En illustration : Margrethe Vestager, nouvelle Commissaire européenne à la concurrence semble prendre le contre-pied de son prédécesseur