Ciblage comportemental : Bruxelles lance une procédure à l'encontre du Royaume-Uni
L'ire de Bruxelles allait grandissante depuis plusieurs mois. Cette fois, l'exécutif européen passe à l'offensive sur le dossier du ciblage comportemental des internautes en lançant une procédure d'infraction à l'encontre du Royaume-Uni. En l'espèce, la Commission européenne met en cause l'utilisation de Phorm par plusieurs FAI, dont BT. Cette technologie diffuse des publicités correspondant au profil des internautes, basées sur des analyses comportementales réalisées en étudiant le parcours des consommateurs de site en site. Un outil qui irrite d'autant plus Bruxelles qu'il était utilisé, en 2006 et 2007, à l'insu des internautes. Pour Viviane Reding, la Commissaire à la société de l'information, le recours à Phorm n'est pas seulement immoral, il est également illégal : « certains problèmes se posent dans la manière dont le Royaume-Uni a mis en oeuvre certaines parties de la réglementation communautaire relative à la confidentialité des communications. » En d'autres termes, non seulement les opérateurs Internet doivent cesser d'utiliser les outils de ciblage peu respectueux de la vie privée, mais les pouvoirs publics britanniques doivent eux aussi intervenir pour modifier leur législation afin de rendre plus contraignant le recours à ces technologies. « Cela devrait également contribuer à rassurer les consommateurs quant à la protection de leur vie privée et de leurs données lorsqu'ils surfent sur Internet », précise encore Bruxelles. Publicité ciblée, moteurs de recherche, RFID : la vie privée menacée de toutes parts Et si le message n'était pas suffisamment clair, Viviane Reding se montre menaçante : « les informations qui concernent une personne ne peuvent être utilisées qu'avec son consentement préalable. Nous ne pouvons renoncer à ce principe de base et accepter que tous nos échanges soient surveillés et stockés en échange de publicités plus 'pertinentes' ! Je n'hésiterai pas à prendre des mesures dès lors qu'un pays de l'UE ne respectera pas ses obligations dans ce domaine. » Londres dispose désormais de deux mois pour répondre à la lettre de mise en demeure, première étape de la procédure entamée par la Commission européenne.En l'absence de réaction satisfaisante, l'exécutif communautaire pourra décider de se tourner vers la Cour de justice des Communautés européennes. Ce coup de semonce tiré en direction de la verte Albion n'est guère surprenant au regard des avertissements lancés par Bruxelles au cours des derniers mois. Il y a tout juste quelques semaines, la Commission avait déjà mis en garde les acteurs de la publicité en ligne contre l'usage grandissant qu'ils faisaient des technologies de ciblage comportemental. Avant cela, l'oeil attentif de l'exécutif européen avait conduit les principaux moteurs de recherche à annoncer, les uns après les autres, la réduction de la durée de conservation des données relatives à leurs utilisateurs. Ainsi, Yahoo annonçait en décembre 2008 que ces 'logs' seraient désormais effacés après 90 jours de présence sur ses serveurs, contre 13 mois auparavant. Au-delà du cas Phorm ou des questions soulevées par les moteurs de recherche, Bruxelles entend se poser en gardien du respect de la vie privée face à l'ensemble des écueils drainés par l'ère numérique. Dans la ligne de mire de la Commission figurent ainsi d'autres technologies, comme les puces RFID, qu'aucun « Européen ne devrait avoir sur lui [sans qu'il] ne sache à quelles fins elle[s sont utilisées], et qu'il ne puisse ôter ou désactiver à tout moment. »