CES Las Vegas : Microsoft appuie l'arrivée de PC sans Intel
La rumeur couvait depuis quelque semaines et Microsoft l'a confirmée lors du salon CES à Las Vegas. La prochaine version de Windows acceptera les processeurs ARM, jusqu'ici surtout réservés aux appareils électroniques comme les smartphones en raison de leur faible consommation électrique. Microsoft n'est-il pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
L'annonce faite par Microsoft lors du salon CES de Las Vegas qui s'est tenu du 6 au 9 janvier marque un tournant dans la guerre sans répit que se livrent les acteurs de l'industrie des semi-conducteurs, tels qu'AMD, Intel ou ARM.
ARM est une société basée au Royaume-Uni et qui ne vend pas de puces, mais conçoit des microprocesseurs puis en vend la propriété intellectuelle à des fabricants tels que Samsung, Texas Instruments ou Qualcomm qui les intègrent à leurs propres composants.
Jusqu'alors, la situation était simple : l'architecture x86 d'Intel dominait le marché des serveurs et des ordinateurs personnels tandis qu'ARM régnait en maître sur le royaume de l'électronique embarquée. Chacun chez soi et les transistors étaient bien gardés !
Seulement voilà, l'explosion du marché des smartphones, l'apparition de PC portables de plus en plus « mobiles » et le récent phénomène des tablettes tactiles ont brouillé la ligne entre le monde du PC et celui de l'électronique embarquée.
Dès lors, ARM n'a eu de cesse de muscler ses processeurs "basse-consommation" tandis qu'Intel s'efforçait de concevoir des architectures toujours plus sobres en énergie. Il était donc normal que les deux champions se rencontrent un jour directement en face à face.
En effet, outre Microsoft, un autre acteur important, celui-là du monde de l'électronique, a osé lors du CES de Las Vegas imaginer des PC sans Intel ou AMD. Il s'agit de NVidia, fondeur surtout connu pour ses puces graphiques, et qui a annoncé son intention de proposer des processeurs ARM à destination des PC.
La fin du duopole Wintel ?
Cette stratégie est vitale pour NVidia, qui n'avait jamais pu obtenir une licence x86 de la part d'Intel et qui voit donc dans ARM son sésame pour attaquer le marché des PC. En revanche, elle paraît plus risquée pour Microsoft.
Certes, il fallait que Microsoft infléchisse sa stratégie sur les tablettes et autres smartbooks, ces appareils qui sont à mi-chemin entre le PC et le smartphone et sur lesquels ARM à pris l'avantage face à Intel. Pour Microsoft, ne pas proposer de système d'exploitation spécifique à ce nouveau segment en forte croissance (aux dépens des PC) revenait à l'abandonner à la concurrence, en particulier à Android dont Google. Android dont la version 3.0 vient justement d'être présentée. Cette nouvelle itération, baptisée « Honeycomb », est la première à être explicitement adaptée aux tablettes et elle devrait accompagner une véritable déferlante de nouvelles tablettes, dont beaucoup étaient annoncées ou présentées à Las Vegas.
Sachant que Microsoft dispose déjà avec Windows Phone 7 d'un système d'exploitation mobile moderne tournant sur les processeurs ARM, la décision d'envoyer son navire-amiral Windows pour annexer ce nouveau territoire est surprenante. Celle-ci s'explique certainement par la volonté de Microsoft de se différencier en proposant un système d'exploitation moins limité, plus proche de l'expérience PC. Nul ne peut dire si ce pari réussira, mais ce qui est sûr c'est que pendant que Microsoft part à l'assaut avec un Windows pour ARM, il laisse sans défense son paisible et prospère fief des PC.
En effet, l'émergence du Cloud et des applications en ligne, illustrée à l'extrême par le système d'exploitation Chrome OS de Google, a réduit la dépendance du public et des entreprises envers un système d'exploitation en particulier et vis à vis ...
Illustration D.R.
... d'une architecture matérielle particulière. Un simple navigateur internet ouvre la porte sur le monde. C'est d'ailleurs cette raison principale, alliée au besoin de réduction de consommation électrique, qui fait qu'aujourd'hui un PC avec un processeur ARM est envisageable.
Or, si demain le matériel des PC se diversifie et offre à l'utilisateur le choix entre différents types de processeurs, il y a fort à parier que les systèmes d'exploitation se diversifient également, car après tout un utilisateur choisissant un PC avec un processeur ARM tournant sous Windows ne pourra certainement pas réutiliser la logithèque issue de son ancien PC ayant un processeur x86 d'Intel ou d'AMD.
Dans ces conditions, pourquoi l'utilisateur choisirait-il Windows plutôt que Ubuntu (qui tourne déjà sur ARM), que Chrome OS ou que d'autres encore qui ne manqueront pas d'arriver ? Quand on regarde la part de marché - faible - de Microsoft sur les smartphones, où la compatibilité des applications d'un terminal à l'autre n'est pas un facteur de choix déterminant pour les utilisateurs, il y a de quoi se demander si l'éditeur n'est pas en train de scier la branche sur laquelle il est assis en accompagnant voire en accélérant par son initiative la montée en puissance des processeurs ARM.
Temps couvert : le nuage pourrait verser dans l'ARM lui aussi
Enfin, au-delà des PC personnels, n'oublions pas les serveurs, eux aussi dominés par l'architecture x86 d'Intel. Si la rumeur révélée l'été passé d'une utilisation de serveurs ARM par Facebook a été démentie par le géant du réseau social, il n'en demeure pas moins que la sobriété énergétique des coeurs de technologie Risc d'ARM pourrait apporter des réponses aux problèmes de consommation énergétique auxquels sont confrontés les Data Center avec l'avènement du Cloud. Un nouveau front pourrait s'ouvrir dans la guerre du silicium !
Biographie de l'auteur
Romain Criton a fondé et dirige Mobiware, une société spécialisée dans l'internet Mobile. Il est ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris et possède 10 ans d'expérience dans le développement de logiciels, en particulier à destination des téléphones mobiles.