Calendrier serré pour Michel Combes et son plan Shift
Le patron d'Alcatel-Lucent a procédé par des annonces chocs la semaine dernière, elles ont marqué l'opinion. En fait, l'ancien patron de Vodafone, engage une négociation serré avec les pouvoirs publics et les syndicats.
Arrivé début avril aux commandes d'Alcatel-Lucent, Michel Combes a présenté le plan Shift fin juin. La semaine passée a constitué une autre étape. Mardi matin, le PDG d'Alcatel-Lucent présentait son nouveau plan de baisse des coûts et donc de licenciements. Le lendemain, il annonçait sur Europe 1 que la société était en danger. L'après-midi même, il intervenait devant la Commission économique de l'Assemblée nationale. Dernier acte jeudi après-midi au colloque de l'Arcep, il se faisait proprement « allumé » par le directeur général de Free. Michel Combes parle fort, à l'adresse de l'opinion et surtout des pouvoirs publics, avec qui une négociation décisive est engagée.
Mercredi matin, au lendemain de l'annonce de son plan, pour encore mieux marquer les esprits, Michel Combes assure « oui, l'entreprise peut disparaître ». Comme si le plan lui-même ne suffisait pas, le PDG d'Alcatel-Lucent dramatise encore. Il se donne quatre mois pour traiter avec les syndicats et obtenir l'aval du Gouvernement. Cet aval permettra de faire passer « la pilule » auprès des élus locaux, du moins de donner des explications, même si l'on est en période d'élections municipales. Le calendrier est totalement défavorable, mais l'entreprise n'a pas d'autre choix que d'accélérer au maximum toutes les décisions, que ce soit vis-à-vis des syndicats, des élus locaux, des pouvoirs publics.
La faute aux prédécesseurs
L'audition à l'Assemblée nationale a tourné à un retour vers le passé. A qui la faute ? demandions-nous la semaine passée. Michel Combes a la réponse : ce sont ses prédécesseurs. Avec eux, le groupe a vécu plusieurs ratés : la 3G à laquelle il n'a pas cru, des coûts trop élevés pour faire face à la concurrence (les dépenses administratives sont de 14,1% du CA contre 11,5 à 12% chez les concurrents), une dispersion de ses centres de R&D, 58 à travers le monde.
Deuxième cible, la règlementation européenne qui porte sur les prix. Résultat : sur le marché continental, les acteurs européens manquent d'investissements et de différenciation technologique. Huawei, nommément cité, a pris selon le patron d'Alcatel-Lucent une place démesurée en France. Il veut que l'Europe parle davantage d'innovation et demande que la régulation européenne le favorise.
Sur le chapitre du patriotisme économique, Michel Combes se montre plus chaloupé, expliquant une fois « je suis opposé à toute forme de protectionnisme, à nous d'être meilleurs » mais aussi « je me réjouis que nous appelions à cette solidarité » (entre européens).
Les chinois : pas forcément moins chers, mais plus performants
Le lendemain, au colloque de l'Arcep, Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad Free s'en est pris sur deux points au patron de l'équipementier. D'abord, Free est le seul opérateur a ne pas avoir recours à un équipementier chinois. Il passe par Nokia-Siemens (devenu NSM après le départ de Siemens).
Et s'il n'a pas recours à eux, c'est à la demande des gouvernements, les précédents et l'actuel. Maxime Lombardini trouve les chinois pas forcément moins chers mais plus performants. Et surtout, Maxime Lombardini n'a pas digéré une tribune de Michel Combes dans les Echos attaquant le 4ème entrant, donc Free Mobile dans la téléphonie mobile.
Vent debout devant les fermetures de sites
L'intervention du n°2 de Free, pour virulente qu'elle soit, a peu de chance d'échauder le patron d'Alcatel-Lucent lancé dans un long tunnel de négociations. Avec le 1er Ministre et les syndicats pour valider le plan social. Avec les parlementaires, souvent élus locaux, qui sont vent debout devant les fermetures de sites. L'opinion financière internationale est également importante. Les analystes de Merrill Lynch et de Bank of America ont expliqué que Shift était « une étape importante dans la bonne direction ». Le cours de l'action monte quand leurs notes paraissent et baisse au lendemain des déclarations des membres du Gouvernement français.
Michel Combes est aux prises avec des questions qu'il connaît bien. Il fut directeur général de Vodafone pendant quatre ans, où il avait déjà mené un plan de réduction des coûts, économisant 2 milliards de livres pour l'opérateur anglais. Il a également profondément remanié son catalogue produit. En France, il fut à la tête de TDF et directeur des affaires industrielles et directeur financier de France Télécom. C'est donc un homme expérimenté, à la fois dans les négociations pour un plan social « dur » et dans l'approche des pouvoirs publics français, qui mène aujourd'hui le paquebot Alcatel-Lucent.
(photo CFDT)