CAIlabs, spécialiste du traitement de la lumière, séduit Alcatel-Lucent
Le multiplexage en longueur d'onde, WDM, a été inventé dans les années 90 et représente aujourd'hui un marché de 10 milliards de dollars par an. Le monde des télécoms est à la recherche de nouvelles innovations pour faire face aux futurs besoins en débit de la fibre optique.
C'est une triple histoire, celle d'une technologie innovante, d'une création d'entreprise et d'une perspective pour les équipementiers et les opérateurs télécoms. Cette dernière page restant à écrire. A l'origine du projet se trouve Jean-François Morizur, le Pdg de la jeune société CAIlabs, créée à la fin du mois de juin dernier. « J'ai une histoire un peu complexe » explique ce physicien qui a débuté au Boston consulting group, où il acquiert par ses missions une culture du management. Mais en 2010, il intègre le laboratoire Kastler Brossels (*) pour passer une thèse sur la manipulation spatiale de la lumière. De la recherche pure et dure, sauf qu'elle permet de multiplier par dix le débit dans les fibres optiques.
Sur le même sujetLe webRTC bute sur l'absence d'un standard codec vidéoCette recherche porte sur l'optique quantique et la manière de changer les formes de la lumière sans perte. Elle se veut « la seule solution pour combiner de multiples synthèses du flux lumineux dans les nouvelles fibres puis les séparer optiquement sans pertes ». Au départ, cette manipulation de la lumière est censée profiter au secteur de l'imagerie médicale. Mais les télécoms vont s'y intéresser fortement, car la fibre optique va consommer de plus en plus de débit et a besoin de ce type de recherches qui amènent une multiplication des performances de la fibre optique.
« Repéré » par Alcatel-Lucent
Au cours d'un exposé, Jean-François Morizur est d'ailleurs « repéré » par Alcatel-Lucent qui a regardé de près la société et expérimenté ses recherches. « L'industrie des télécoms veut rendre possible une succession de sauts technologiques et permettre une multiplication par dix tous les cinq ans du débit sur la fibre ». L'intérêt d'Alcatel-Lucent pour cette start-up et sa technologie se comprend donc aisément.
Jean-François Morizur dépose un brevet et avec deux associés (en photo), Nicolas Treps et Guillaume Labroille, crée une société : CAIlabs. Basée à Boulogne-Billancourt, elle vient de déménager sur la technopole de Rennes Atalante. Elle a été incubée à AgoraNov et est lauréate du concours Oséo de création d'entreprise innovante (225 000 euros). Le projet est également déposé à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. CAIlabs s'est assurée une première levée de fonds avec techocom 2, un fonds d'Innovacom (**) qui a mis 1 million d'euros dans l'entreprise. Technocom2 est alimenté à 60% par le Fonds national d'amorçage que gère la BPI et à 40% par quatre industriels : Alcatel-Lucent, Orange, Seb et Soitec. D'autres sociétés dans le monde sont très avancées sur le sujet comme NEC, Cisco, Corning et Huawei , ainsi que de nombreux opérateurs tels qu'Orange.
Seule, CAILlabs est impuissante, il lui faut des partenaires industriels, des ensembliers pour reprendre et intégrer sa technologie dans un ensemble plus vaste : armoires, fibres, multiplexage. « Les télécoms restent encore très imprégnées de R&D, souligne Jean-François Morizur et ont besoin de nouvelles technologies optiques pour développer les marchés au-delà de 2020 avec une fibre optique plus performante que celle actuellement déployée."
(*) formé par l'Ecole nationale supérieure (ENS), le CNRS, et l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC)
(**) Innovacom société de capital-risque créée par France Télécom en 1998, aujourd'hui entre les mains de ses dirigeants depuis avril 2012