Bouygues Télécom s'en prend, violemment, à l'Arcep, à Free et au câble
L'informatique et la distribution devraient être les principaux services touchés par la restructuration menée chez Bouygues Télécom. Mercredi, devant le Comité central d'entreprise la direction précisera l'ampleur des licenciements opérés, un millier de postes selon les syndicats.
Devant l'Avicca le 13 mai dernier, Didier Casas secrétaire général de Bouygues Télécom mentionnait de sérieux sujets de préoccupation sur l'évolution de Très haut débit. Devant une Commission du Sénat, mercredi dernier, le même, mais accompagné de son Pdg Olivier Roussat a élargi et accentué les critiques portées par le groupe. Au préalable, il a livré un tableau alarmiste de sa situation. Bouygues Télécom a perdu 19 millions d'euros au T1 2014. L'objectif est d'économiser 300 millions de plus par an après les 600 déjà obtenus ces deux dernières années. Au total, c'est un milliard d'économie qui sont programmées par an, d'ici trois ans, pour un chiffre d'affaires de 4 milliards. « C'est énorme » souligne Olivier Roussat.
Sur le même sujetLes Etats-Unis pourraient passer de 4 à 3 opérateurs de téléphonie mobileLe groupe a un problème de taille critique selon son Pdg qui invoque plusieurs facteurs. Un concurrent (Free) qui a « galvaudé » la 4G, ce qui a entravé la volonté du groupe de reconquérir des revenus par cette technologie. Plus généralement, le secteur va mal, le revenu moyen des opérateurs ayant diminué en moyenne de 7% en 2013. «Pour investir, il faut des revenus.... Les données actuelles sont inquiétantes ». Qu'il parle de sa société ou du marché, le Pdg de Bouygues Télécom, est donc sur la même tonalité.
Loin d'un accord avec Orange
Après ces constats, les dirigeants de l'opérateur ont livré quelques appréciations et critiques en règle. D'abord, pour tuer la rumeur du rapprochement avec Orange, « tout ce que je peux vous dire, c'est que, pour l'instant, elles sont très préliminaires ». Le groupe veut donc agir seul en tant que quatrième opérateur, c'est le message qu'il fait passer et la raison des économies drastiques annoncées. Olivier Roussat ne manque pas d'épingler les théoriciens du marché qui ont voulu quatre opérateurs et maintenant préconisent de passer à trois. Il rappelle que des emplois ont été détruits (« nous n'en sommes aujourd'hui qu'au début ») comme son groupe l'avait annoncé.
L'Arcep est plusieurs fois ciblée. «Avec des abonnements à 20 euros, il est impossible de couvrir les dépenses d'investissement, sauf à dégrader ses comptes, ce que Free ne veut bien sûr pas faire. Elle est là, l'explication. Mais l'autorité de régulation ne faisant rien, ne réagissant pas, la situation économique des trois opérateurs continue de se dégrader».
Surtout, Olivier Roussat s'en prend à l'Arcep en lançant : «Personne ne vérifie réellement ses investissements en réseau » entendez ceux de Free que le régulateur ne surveille pas". L'essentiel des communications de Free passe en réalité par le réseau d'Orange ». Il met en exergue l'avis du Conseil de la concurrence de mars 2013 qui explique que l'itinérance destabilisera le marché, ce qui s'est produit, là encore l'Arcep est pointé du doigt, elle qui n'aurait pas obligé Free à investir. « Si l'itinérance n'est pas remise en cause le marché ne s'en relèvera pas » souligne Olivier Roussat. Au passage, Bouygues Télécom observe qu'Orange ne dénonce pas le contrat avec Free sous prétexte de ne pas favoriser SFR. «Le régulateur doit normalement s'assurer des conditions de la compétition en France. Or l'Arcep n'a rien fait depuis l'avis de l'Autorité de concurrence en mars 2013. Est-ce normal ? Nous verrons bien ce qu'en dira le Conseil d'État ». L'itinérance est qualifiée de « cancer ».
Celui qui s'est enrichi n'a rien à payer
Bouygues Télécom ne compte plus guère sur une intervention des pouvoirs publics. Il relève que le dernier opérateur mobile ne paie pas pour les zones blanches (en 2G). Que « Bouygues appauvri doit couvrir un tiers des dépenses pour installer la 3G sur tout le territoire alors que celui qui a déstabilisé le secteur et qui s'est enrichi n'a rien à payer. C'est bien sûr scandaleux ... Nous sommes exsangues et devons faire face à une règle du jeu faussée ».
Dernière cible et non des moindre la technologie du câble, donc la proposition de Numericable, l'acheteur de SFR. Bouygues Télécom martèle que le FTTH est valable dans les deux sens, descendant et ascendant, alors que le câble n'est intéressant que dans le sens descendant. L'opérateur insiste sur sa volonté d'installer la fibre et de poursuivre le contrat avec SFR (après avoir étudié en vain un contrat avec Orange, jugé trop cher). Il insiste enfin sur l'efficacité de la 4G couplée à une box dans les zones de montagne pour déployer le très haut débit.