Bouygues et Numericable font le siège des pouvoirs publics pour racheter SFR
A chaque week-end son sursaut d'adrénaline. Le précédent a vu l'offensive de Numericable sur SFR, cette fois, les pouvoirs publics se mêlent et s'emmêlent sur le dossier, sans égard pour les régulateurs.
La semaine passée Bouygues et Iliad ont fait connaître leurs intentions de racheter SFR. Ce dernier étant clairement à vendre, comme l' a confirmé Vivendi en publiant mardi ses comptes annuels. Bouygues s'entoure de deux banques, HSBC et Rothschild et surtout tente de convaincre les pouvoirs publics. Selon le Journal du Dimanche, Martin Bouygues lui-même a su obtenir jeudi dernier un rendez-vous avec François Hollande (entre deux voyages à l'étranger). Il était accompagné de François Pinault, patron chiraquien rallié au nouveau Président, histoire d'effacer sa proximité avec l'ancien Président. Au moins, le message côté Bouygues est-il clair : on ne se laissera pas isoler. La réaction est également commerciale (voir article).
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Mais d'après Les Echos, Patrice Drahi le patron d'Altice, holding de Numericable, a tenté la même démarche, mais n'est allé que jusqu'au secrétaire général adjoint de L'Elysée. Le sommet de l'Etat d'un côté, le n°2 de l'administration présidentielle de l'autre, l'avantage semble aller à Bouygues. Toutefois, trop d'indiscrétions filtrent contre Numericable pour que ce soit aussi net. En matière d'approche des pouvoirs publics, il a peut-être tout simplement une longueur de retard et un peu moins de savoir-faire.
Des signaux contradictoires
Très sollicités, les pouvoirs publics donnent des signaux contradictoires. Dimanche, Benoît Hamon, ministre délégué à la consommation est revenu pour s'en féliciter sur les avantages apportés par Free en matière de baisse de prix. Son collègue de l'industrie, Arnaud Montebourg, a souvent insisté sur les destructions d'emplois liées à la concurrence. Vieux débat entre emplois et consommateurs, deux notions que ce ministre oppose sans relâche. Le gouvernement exigera-t-il des compensations à un rapprochement ? Par exemple des engagements en termes d'emplois et d'investissements, comme le réclame souvent le titulaire du portefeuille de l'industrie. Un ministère où l'on rejette les initiatives de Patrice Drahi résident en Suisse et dont la holding est au Luxembourg. On se fait également fort de rencontrer tous les acteurs avant de désigner « le meilleur attelage ». Si on l'écoute, c'est lui qui décidera du rachat de SFR que le Président semble suivre de très près.
Le tonitruant ministre de l'industrie est également entré bille en tête contre les régulateurs : le Conseil de la concurrence et l'Arcep. Le Conseil de la concurrence a déjà répondu en resituant son rôle. Pour son Président Bruno Lasserre (en photo), « c'est l'Autorité de la concurrence qui sera l'arbitre impartial de cette recomposition ». Si Bruno Lasserre a pris soin de bien dessiner la frontière entre les politiques et les régulateurs, il a clairement montré que l'un n'effaçait pas l'autre. Que le politique ne pouvait s'abstraire des régulateurs et donc du Conseil de la concurrence, qui par exemple a donné son feu vert à la mutualisation des infrastructures mobiles, engagée par SFR et Bouygues Télécom mais également dissuadé Iliad et SFR de se rapprocher.
Bruxelles vigilant
La Commission de Bruxelles aura également son mot à dire et plus que son mot, elle vient de se prononcer négativement sur le rachat par Telefonica Deutschland d'E-Plus (voir article sur le sujet). Opérateurs et gouvernement peuvent-ils ignorer les régulateurs ?
Dernier intervenant sur le dossier : les sociétés de bourse. Enthousiastes il y a une semaine sur le sujet, elles freinent maintenant leurs ardeurs. Le CM-CIC a ainsi recommandé de s'alléger sur Bouygues Télécom, pour elle le secteur veut sa consolidation mais n'en a pas forcément les moyens. En une semaine, le rachat de SFR qui devait se faire au profit d'Altice-Numericable, semble beaucoup moins pressé, beaucoup moins profitable aux yeux des analystes financiers, et, de tous côtés, très embrouillé.