Altice-Numericable finance le rachat de SFR par la dette
La vente de SFR à Altice-Numericable, décidée samedi dernier par Vivendi, n'est qu'une étape dans la recomposition des télécoms en France. Sur ce dossier doivent encore intervenir les représentants des personnels et les régulateurs, le rapprochement des équipes se fera en 2015. Sans oublier la question de l'avenir de Bouygues Télécom, devenu très seul sur le marché.
Les dirigeants d'Altice-Numericable n'aiment pas le terme de LBO, mais le rachat de SFR est pourtant financé par la dette. Le groupe va débourser 13,5 milliards d'euros en cash et laisser 20% du capital à Vivendi. Ce sera la somme réglée lors de la réalisation de l'opération, ce qui porte la valorisation de SFR à 15,5 milliards d'euros selon Altice, Vivendi parle de 17 milliards d'euros en calculant sa participation dans trois ou quatre ans. Vivendi avait valorisé à 18 milliards d'euros le capital de SFR en rachetant la part de Vodafone il y a trois ans. Depuis, avec l'arrivée de Free Mobile, la valorisation de SFR s'est profondément modifiée, Vivendi « sort » au mieux et a jugé, c'est la version officielle, le projet d'Altice plus solide, en termes financiers et industriels, son conseil de surveillance l'a choisi à l'unanimité de ses 13 membres.
Sur le même sujetL'Europe prend position contre les opérateurs sur la neutralité du net et le roamingSur les 13,5 milliards, 8,8 seront financés par la dette, 4,4 par une augmentation de capital (souscrite à 74,6% par Altice), devait indiquer Patrick Drahi ce matin. C'est cette augmentation de capital, d'un montant supérieur à celle précédemment annoncée, qui fait la différence par rapport aux offres précédentes du groupe, la charge financière n'est pas modifiée. 750 millions d'euros financeront un complément payé à Vivendi par Altice si la rentabilité de SFR atteint 2 milliards d'euros par an (donc permet à Altice de rembourser sa dette, mais il ne faut pas leur parler de LBO !). Le groupe Altice est par ailleurs très rentable insiste Patrick Drahi. Les dividendes de ses filiales lui permettront de financer le rachat de SFR, l'investissement dans le nouvel ensemble et d'autres opérations de croissance externe qu'il promet de mener.
Dans le même temps, Altice va racheter deux participations dans Numericable. Celles de ses alliés, les fonds Cinven et Carlye qui détenaient 34,6%. Ce sera fait en échange de cash et d'actions d'Altice.
Altice aura 60% du groupe
Le nouveau groupe SFR-Numericable sera coté à Paris. Numericable l'est déjà, SFR l'avait en projet mais a préféré se vendre. A l'issue de l'opération, Altice détiendra 60% de SFR-Numéricable, Vivendi 20%, le reste sera dans le public. Vivendi ne pourra vendre ses 20% avant un an, Altice aura alors un droit préférentiel de rachat au prix du marché, mais avec une valeur minimale, en plusieurs tranches entre le 19ème et le 43ème mois suivant la transaction.
L'autre question, après celle des montants, est celle de la date de réalisation de l'opération. Ce sera au quatrième trimestre 2014, précise Eric Denoyer le CEO de Numericable, en clair le rapprochement effectif des équipes aura lieu en 2015. Rapprochement qui sera sensible sur les systèmes d'information et les branches entreprises, Completel pour Numericable, SFR Business Team pour Numericable.
Les représentants du personnel ne vont pas tarder à avoir leur mot à dire. Ce sera le cas dès demain (mardi 8 avril) pour Numericable, rapidement pour SFR. Ensuite interviendront les autorités de la concurrence, Altice leur prépare la « notification » du rachat. Patrick Drahi rendra visite, en vainqueur demain matin, au Ministre de l'économie qui a ouvertement dénigré son projet ces derniers temps, mais se concentre désormais sur trois exigences : le maintien de la totalité des emplois, le déploiement du Très haut débit, le choix de fournisseurs français. Sur chacun de ces points, Patrick Drahi a mis noir sur blanc ses engagements.
Que deviendra Bouygues Télécom ?
Le patron d'Altice a également souligné que les prix dans les mobiles resteraient bas en France, avec quatre opérateurs c'est logique, mais cette donnée ne satisfait pas grand monde. Le passage à trois opérateurs permettrait de remonter les marges des opérateurs et d'éviter justement la guerre des prix. C'est ce que souhaite le Ministre Montebourg, Orange et beaucoup d'autres acteurs ou observateurs du marché. La situation de Bouygues Télécom fait déjà l'objet de multiples spéculations, l'argent réuni par ce groupe pour contrer Altice lui donne peut-être une bouffée d'oxygène.
Dernier point très sensible, celui du déploiement du très haut débit en France. Certes Patrick Drahi a pris des engagements. Mais plusieurs acteurs des collectivités locales, l'Avicca et le Siperrec en particulier, s'inquiètent. Ils vont se retrouver avec deux acteurs seulement, Orange et le nouvel ensemble SFR-Numericable. Et l'un des deux, Numericable n'est pas régulé donc n'a pas d'obligation d'ouvrir ses réseaux à d'autres opérateurs. Patrick Drahi leur réplique que, à chaque rachat de câblo, il a investi là où la société rachetée n'avait pas tenu ses promesses. Ce dossier très sensible est un volet peu médiatisé mais très important pour le développement du Très haut débit en France.