Affrontements autour du Fibre Channel sur Ethernet
Le Fibre Channel sur Ethernet constitue le nouvel horizon des réseaux de stockage à haute performance. Il soulève encore beaucoup de questions. Faut-il déjà envisager une migration ? La controverse agite les experts.
"Je suis étonné de voir à quel point le développement du FCoE a été rapide : l'écosystème existe, les produits sont là et le standard est en bonne voie" a entamé John Rollason de Netapp, lors d'une table ronde sur le Fibre Channel sur Ethernet (FCoE) à Francfort le mois dernier, lors d'un événement européen sur le stockage organisé par le SNW. Netapp, Emulex et Cisco, enthousiastes Netapp a en effet annoncé en octobre la sortie de son premier système de stockage natif en FCoE. Il semblerait donc que la feuille de route de ce protocole se réalise plus vite que prévu. Joe Gervais Directeur Marketing d'Emulex a montré le même enthousiasme que son collègue de Netapp: "La première démonstration d'interoperabilité a été réalisée en septembre 2008 par la FCIA (Fibre Channel Industry Association). Des commutateurs, des cartes de connexion pour les serveurs CNA (équivalent FCoE des HBAs du Fibre Channel), et des équipements natifs FCoE existent. Des outils de tests sont aussi disponibles. On y est. Le temps est venu aux déploiements FCoE". Lors de la table ronde, la plupart des acteurs des réseaux SAN présents semblaient d'accord au moins sur un point : le FCoE peut résoudre beaucoup de problèmes. Ses avantages sont multiples. Cisco et Emulex étaient donc les plus enthousiastes, et surtout très fiers de présenter pour la première fois sur le salon une des premières démonstrations de FCoE en environnement de virtualisation ESX de VMware. Brocade et IBM freinent Pour Cisco, pas de doutes sur ses intentions. Le californien prône le tout-Ethernet depuis ses origines même dans le stockage. Il n'a pas réussi à percer aussi bien qu'il le souhaitait avec le Fibre Channel ni l'iSCSI, et compte se rattraper avec le FCoE. Mais tous les acteurs du SAN ne semblaient pas être aussi pressés d'y venir. Faut-il vraiment se précipiter ? Réduction de câbles, réseau unifié entre le LAN et SAN, performances : le FCoE semble certes avoir tous les avantages. "Pas si vite", répond un porte parole de Brocade, leader mondial des commutateurs Fibre Channel, présent lors du panel et qui ne doit pas être pressé de voir de l'Ethernet grignoter ses parts de marché. "Certains fournisseurs veulent faire croire que le FCoE est déjà sur le plateau de production, prêt à être déployé partout. Mais on n'en est qu'au tout début. N'oublions pas les difficultés initiales qu'a eu iSCSI" rappelle-t-il. Cette opinion est partagée par IBM. "FCoE n'est pas encore un standard, pas de précipitation" estime Matthias Werner, Directeur des ventes produits de stockage Europe chez IBM. FCoE concurrent du FC Pourtant, Claudio DeSanti, Directeur Technique chez Cisco, riposte : "Le standard final est prévu pour le premier trimestre de 2009, ce n'est plus très loin". Mais IBM n'en a pas moins poursuivi son procès. " FCoE est basé sur un nouvel Ethernet, et va entrer en compétition, non pas avec l'iSCSI comme beaucoup l'affirment mais avec le Fibre Channel à 8, 10 ou 16 Gbit/s" prévient Matthias Werner d'IBM. Pour lui, le Fibre Channel, majoritaire dans les infrastructures a encore de beaux jours devant lui. "Le FCoE est encore trop en avance pour la majorité des clients. le FC à 4 Gibt/s a encore beaucoup de succès et certains viennent de passer au 8 Gbit/s" renchérit Ken Male, analyste pour le cabinet The InfoPro, qui a cependant démontré qu'avec les disques SSD, le FCoE est une des technologies les plus regardées par les entreprises aujourd'hui. Rien ne presse pour FCoE Selon Netapp, bien que partisan de la technologie, il n'y a effectivement pas d'urgence. "NFS et iSCSI aujourd'hui couvrent 95 % des besoins. Il faut encore se poser la question des services offerts sur FCoE, pour l'instant, nous en sommes loin" ajoute-t-il. De fait, le Fibre Channel sur Ethernet semble surtout bien noté pour l'accélération des entrées/sorties, problème crucial dans les infrastructures actuelles. "Il faut bien distinguer la différence entre utiliser FCoE comme remplacement du Fibre Channel en tant que technologie de transport, ou utiliser FCoE pour consolider les entrée/sorties. Dans ce dernier cas, FCoE est excellent mais Infiniband et iSCSI sont aussi de très bons candidats, et notamment moins coûteux" a rappelé Gilles Chekroun, membre de la SNIA (Storage Networking Industry Association), et présent dans la salle. Ainsi, capitaliser sur les technologies existantes semble être encore ce qu'il y a de mieux. "Une alternative pour consolider les interfaces serveurs ? Consolider les serveurs ! En virtualisant, on obtient moins de serveurs et donc moins d'interfaces. Pas forcément besoin de FCoE pour cela" affirme Matthias Werner. En somme, cela va prendre encore quelques temps pour que le FCoE s'impose. Et d'autres problèmes vont surgir. "Qui va acheter le FCoE au sein de l'entreprise ? Quelle va être la stratégie pour les fournisseurs qui vendent déjà du Fibre Channel ? Vont-ils vendre uniquement du FCoE et plus de FC ?" reprend Matthias Werner. Ce à quoi répond John Rollason, de Netapp : "Nous avons déjà été confrontés à cela. Le FCoE est avant tout du Fibre Channel, donc les vendeurs de FC sauront y faire. Ce n'est qu'une question de temps". Le FCoE en 4 questions/réponses 1. FCoE est-il déjà incontournable ? Les avis sont partagés mais à l'heure actuelle, les cartes mères sont dotées de plusieurs processeurs multi-coeurs, et les machines virtuelles génèrent des accès disque de plus en plus volumineux. Elles demandent une bande passante élevée pour les entrées/sorties. Certains experts assurent que le Fibre Channel traditionnel ne peut plus répondre à ces besoins. 2. Quels sont les atouts du FCoE ? Sur le papier, les avantages sont multiples. Le Fibre Channel over Ethernet permet de transporter le protocole Fibre Channel sur un réseau Ethernet. Ainsi IP et Fibre Channel sont transportés sur un seul câble. Selon Cisco, FCoE permet de réduire de 50% le nombre de câbles déployés. Autre atout : un seul type de commutateur d'accès permet ainsi de connecter à la fois un LAN et un SAN. Ce qui constitue une première approche du centre informatique unifié. Avantages : cela réduit considérablement le nombre de cartes installées dans les serveurs, simplifie la topologie du réseau, et réduit les besoins en énergie et en refroidissement. Le FCoE augmente par ailleurs les performances en bénéficiant du 10 Gigabit Ethernet, tout en s'intégrant parfaitement avec les infrastructures Fibre Channel existantes. 3. FCoE fonctionne sur un Ethernet modifié ? Oui. FCoE ne sait pas fonctionner sur l'infrastructure Ethernet existante. Il fonctionne sur du "LossLess Ethernet (Ethernet sans perte de paquets)" aussi appelé CEE (Converged Enhanced Ethernet). Pour y parvenir, le nouvel Ethernet s'affranchit du spanning tree et du multipathing. Il supporte le protocole BCN (Backward Congestion Notification) permettant de provisionner la bande passante nécessaire de bout en bout sur le réseau. 4. FCoE va-t-il tuer l'iSCSI ? A priori, non. Toute l'industrie semble s'accorder sur ce point. L'iSCSI est une pierre angulaire du SAN à bas coût. Tout comme le FC et ses HBAs, le FCoE nécessite des cartes CNA encore coûteuses. Par ailleurs, l' iSCSI a l'avantage de pouvoir utiliser l'infrastructure Ethernet existante, ce qui n'est pas le cas du FCoE. D'autre part, iSCSI se situe au niveau 3 du protocole OSI et il est donc routable, alors que le FCoE, au niveau 2, ne l'est pas. Le rachat de EqualLogic par Dell et de Lefthand par HP laisse présager que l'iSCSI ne va pas disparaître de sitôt. FCoE est en fait en quelque sorte en compétition avec le FC. Pour consolider et accélérer les entrées/sorties, FCoE est en compétition avec l'Infiniband (accès très rapide aux disques) et l'iSCSI.