Affrontements à fleurets mouchetés sur le futur des paiements mobiles, pour Cartes 2012
Lors de la conférence de lancement du Salon CARTES 2012, une table ronde a débattu du développement du paiement mobile. Les intervenants se sont affrontés à fleurets mouchetés, et ont pointé une évolution qui passera par une Europe des paiements.
Le prochain salon Cartes sera dédié aux "Smart Technologies" et au paiement sur mobile. il présentait mardi 12 juin les thèmes de son édition 2012. A cette occasion, une table ronde s'est tenue sur le futur du paiement mobile. Un thème battu et rebattu. Les échanges entre les participants, tous concurrents en ce qui concerne l'accès au client, se sont déroulés à fleurets mouchetés.
La table ronde était animée par Angelo Caci, Directeur d'ADN, une société de conseil en monétique et en moyens de paiement. Elle a regroupé les différents types d'intervenants qui sont impliqués aujourd'hui en France par les paiements mobiles : les banques, les opérateurs mobiles, la grande distribution, les fabricants de cartes à puce et les challengers, briseurs de positions dominantes.
Etaient ainsi présents les représentants de Paypal, Buyster (l'organisme de paiement créé par les opérateurs mobiles hexagonaux afin de court-circuiter les banques), BNP Paribas, Auchan et Oberthur, fabricant de cartes à puce.
La table ronde s'est déroulée de façon étrangement apaisée entre ces farouches concurrents en matière de paiements mobiles. Ils ont préféré pointer le fait que, c'est l'Europe des paiements qui devra permettre le développement du paiement mobile. Pour autant chacun a tenté de souligner les points forts de sa position.
Au départ, Angelo Caci d'ADN, a tenté l'entente cordiale en rappelant que « le client est aujourd'hui de plus en plus autonome et jongle entre les différentes méthodes de paiement ». Il estime que la nouveauté vient de l'Europe et que « des établissements de paiement ou des établissements de monnaie électronique comme Paypal développent de nouveaux services à travers toute l'Europe grâce aux directives de la Communauté Européenne qui favorisent la concurrence ».
Une position que ne partage pas pourtant Arnaud Crouzet, directeur du développement monétique d'Auchan, qui n'hésite pas à déclarer que : « les initiatives en cours ne favorisent pas cette Europe des paiements, car ces initiatives ne sont pas transfrontalières mais refermées sur leurs propres pays ».
Photo : Gimena Diaz - Directrice commerciale de Paypal France (D.R)
Nicolas Raffin Directeur Marketing Produits, Paiement & Transport d'Oberthur Technologies semble miser sur le téléphone mobile comme vecteur de convergence des moyens de paiement. « Il y a désormais une attente et une demande de convergence entre les différents secteurs d'activités des cartes à puce via un smartphone qui pourrait téléphoner, payer et gérer ses comptes » dit-il. Le paiement par NFC pourrait ainsi démocratiser la situation, mais il est, selon Nicolas Raffin « actuellement en phase de pré-lancement ».
Face aux banques, Eric Gontier, Directeur général de Buyster, représentant des moyens de paiement vus par les opérateurs mobiles, pense que dans le futur « le e-commerce passera obligatoirement par la mobilité". Il aura vanté les atouts des opérateurs mobiles : "Buyster est un avantage car les opérateurs maitrisent les réseaux et ont donc la possibilité d'apporter une qualité de service et une sécurité nécessaire au paiement ».
Face au bouleversement de l'univers des moyens de paiment, Pierre Lahbabi, directeur stratégique, innovation, et cartes de BNP Paribas, représentant des banques, reconnaît que : « les entreprises telles que Paypal arrivent avec de nouvelles méthodes de travail » qui poussent les banques à s'adapter. Néanmoins, selon lui, les banques offrent « l'avantage d'être présentes sur toute la chaine de valeur. [...] De plus une carte de banque permet de payer sur tous les supports ». Il défend pied à pied le savoir faire bancaire, et le pré carré des banques.
Mais dans le même temps « les opérateurs veulent devenir des établissements de paiement » développe Nicolas Raffin d'Oberthur Technologies. Gimena Diaz, Directrice commerciale de Paypal France, joue sur du velours en affirmant quant à elle que le développement de ces technologies repose sur les attentes de l'utilisateur, à savoir « avoir de moins en moins de contraintes pour effectuer ses achats».
C'est pour cela que le monde du commerce assiste « à une numérisation de l'ensemble de sa chaine de valeur » admet Pierre Lahbabi de BNP Paribas. Il est donc nécessaire, de son point de vue, que les banques « intègrent le paiement par mobile dans un ensemble de services » afin de renforcer la relation entre le banquier et le client. Un sacré défi pour l'univers bancaire qui promeut des standards de sécurité très élevés et distincts de ceux des opérateurs télécoms ou des challengers du paiement.
De fait, les établissements de monnaie électronique ont facilité les transactions pour les utilisateurs. « Paypal manifeste beaucoup d'intérêt pour le mobile, et ses premières applications étaient développées sur Palm en 1998 » rappelle Gimena Diaz de Paypal, qui affirme que « 7 milliards de transactions seront effectuées via le mobile sur Paypal en 2012 ».
Angelo Caci d'ADN estime que « les méthodes de paiement vont à l'avenir encapsuler des services supplémentaires à valeur ajoutée ou bien, à l'inverse, ce sont les services qui engloberont les méthodes de paiement ».
L'enjeu demeure le client et ce qu'il choisira en matière de moyens de paiement. Arnaud Crouzet directeur monétique d'Auchan s'interroge sur le fait de savoir « quels sont les paiements de demain qui vont répondre le mieux possible aux attentes des clients et qui offriront des garanties en terme de sécurité aux commerçants ».
La protection des données sur mobile
Quel acteur protégera le mieux les données de ses clients afin, au bout du compte, de ne pas en être dépossédé ? « Il n'est pas question de gérer des données d'achats avec un tiers » affirme le représentant Auchan, pensant fortement aux opérateurs mobiles qui peuvent s'interposer entre eux et le consommateur final.
Buyster, émanation des opérateurs mobiles, entend rassurer et affirme que « le secret bancaire est essentiel et qu'aucune coordonnée ne doit être transmise." Quant à Gimena Diaz de Paypal, elle affirme que « les clients choisissent Paypal pour la facilité d'utilisation mais aussi pour notre sécurité. Toutes les données clients de Paypal sont sécurisées suivant les règles européennes ».
Nicolas Raffin d'Oberthur Technologies élargit la vision de la situation en pensant que « l'utilisation des données personnelles, encore plus sur le mobile, pourrait être conditionnée à l'acceptation ou non de ce qui en est fait par l'utilisateur. [Les données] pourraient être utilisées pour lui donner accès à plus de services ».
Angelo Caci d'ADN conclut que « que la guerre des paiements sur le mobile se jouera demain entre les concurrents sur des critères de rapidité, de sécurité » pour grignoter des parts de marché. Une guerre de positions se poursuit donc entre les différents acteurs, chacun jouant de ses atouts et tentant de posséder la relation avec le consommateur final, précieuse source de revenus.