Affaire NSA : l'industrie américaine IT plaide non coupable
Le magazine allemand Der Spiegel a cité de grandes sociétés américaines d'informatique soupçonnées d'être complices dans l'espionnage à grande échelle de la NSA. Vis-à-vis de leurs prospects et clients, les intéressées ne peuvent laisser passer une telle accusation.
L'affaire NSA entre dans le domaine de la suspicion. Cette affaire d'espionnage s'est développée par des voies détournées, au fur et à mesure que la presse internationale a diffusé les révélations d'Edgard Snowden (en photo). L'attention s'est justement concentrée sur les atteintes aux libertés individuelles, mais l'aspect entreprise est loin d'être absent. Il vient de rebondir aux Etats-Unis où les prestataires IT se défendent avec vigueur, Cisco et Apple étant particulièrement en pointe.
Certains experts suspectent en effet que, sans passer d'accord formel avec la NSA, ces sociétés auraient pu lui révéler les failles de leurs produits, donnant ainsi, de manière détournée, les clés de la maison à l'agence américaine. Pourtant, toutes nient s'adonner à de telles pratiques et affirment placer au-dessus de tout la sécurité des équipements de leurs clients, qui vont du téléphone portable au serveur, en passant par les réseaux. Leur argument est clair : si des failles du style back door existent dans leurs produits, cela s'est fait dans leur dos.
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Parmi les réactions, celle de John Stewart, directeur technique de Cisco, l'une des sociétés citées par le magazine allemand. Sur son blog, il affirme : « nous ne travaillons avec aucun gouvernement dans le but de rendre nos équipements plus vulnérables et en particulier d'introduire des back doors ». Les réactions à son plaidoyer sont assez partagées et même soupçonneuses. L'un de ses lecteurs lui fait remarquer que Cisco ne comptait pas parmi les signataires d'une lettre ouverte, publiée début décembre 2013 dans laquelle, notamment, AOL, Apple, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Twitter and Yahoo, réclamaient aux pouvoirs publics la réforme « des lois et pratiques actuelles ».
Le cas le plus emblématique est celui de iPhone. Apple nie « avoir jamais travaillé avec la NSA pour créer une backdoor dans ses produits, y compris les iPhone », Cependant, la NSA aurait essayé d'introduire dans le portable un logiciel espion à distance, on ne sait pas si elle il y est parvenue ou non. Par ailleurs, selon un expert informatique, Jacob Applebaum, la NSA avait développé un programme lui permettant d'intercepter les messages SMS ou de localiser un téléphone...BlackBerry, un autre portable réputé parmi les plus sûrs parce qu'étant l'un des plus fermés, est également dans le collimateur du magazine allemand. D'après un autre expert, Graham Cluley, les documents sur lesquels se fondent ces assertions datent de 2008. Dès lors, deux possibilités s'offrent : ou bien Apple a renforcé la sécurité de son iPhone ou alors la NSA a perfectionné ses outils jusqu'à prendre un contrôle total du téléphone.
Dell épinglé par un client
IBM n'est pas non plus épargné et l'un de ses actionnaires lui intente un procès. Non sur le fait que le programme PRISM porte atteinte aux libertés individuelles, mais parce que cette révélation lui a notamment fermé le marché chinois et que les résultats financiers s'en ressentent. HP, Juniper, Huawei, Dell ne sont pas non plus épargnés. Ce dernier a d'ailleurs adressé à l'un de ses clients, particulièrement remonté, une lettre d'excuses pour les soucis occasionnés par cette affaire.
De leur côté Microsoft, Yahoo et Google affirment avoir pris les devants, en annonçant qu'elles pensaient passer au chiffrement intégral les données de leurs clients avec des clés de 2048 bit. Mais cela suffira-t-il à contrer la NSA ? Des spécialistes pensent que l'agence travaille sur un ordinateur quantique dont la puissance de calcul, démultipliée, lui permettait de casser n'importe quel code. Bien qu'ils estiment qu'il y ait encore loin de la coupe aux lèvres, Big Brother n'est pas encore mort.