Aastra et Mitel fusionnent en douceur et pensent déjà à d'autres acquisitions
Annoncée au mois de novembre dernier, approuvée par les régulateurs en février, la fusion entre les constructeurs canadiens Aastra et Mitel entre dans les faits. Même si Mitel rachète Aastra, les deux partenaires veulent prouver qu'il s'agit bien d'une fusion entre égaux.
«Nous avons le portefeuille le plus large du marché » nous affirme Bernard Etchenaguccia (en photo), Directeur Général France d'Aastra « a Mitel Company ». Comme tous ses collègues, patrons des filiales du nouveau groupe dans le monde, il a d'abord rassuré salariés, clients et partenaires avant d'expliquer maintenant la fusion des gammes de produits. A l'automne, le rapprochement des deux entités Aastra et Mitel sera effectif en France. En fin d'année, le nom de Mitel sera partout adopté, sauf en Allemagne où le groupe est représenté par un intégrateur, DeTeWe, qui garde son nom. Un cas à part.
Le nouveau groupe commence à mettre en avant ses nouvelles gammes de produits. Elles sont rebaptisées avec le préfixe « Mi » pour Mitel suivi du nom du produit. Il s'agit des « quick wins », les produits les plus rapidement mis sur le marché après le rapprochement. Fin mars, le coup d'envoi était donné avec la 6800i, une gamme de terminaux SIP. Elle comporte par exemple des ports Gigabit Ethernet pour un raccordement sur des réseaux à grande vitesse et la possibilité de personnaliser son poste avec des touches pré-programmables et un son d'une qualité différente de celle des postes du marché.
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Depuis, d'autres gammes sont arrivées pour illustrer le nouveau visage du groupe. Il s'agit de télé-phones SIP DECT, issus d'Aastra plus implanté en Europe que Mitel., or le DECT est essentiellement européen. Le nouveau groupe lance également des dispositifs de vidéo conférence en salle, issus de l'offre Mitel, sous le nom de : Mi voice video unit. Enfin, il travaille sur de nouveaux chantiers, comme la mise en commun d'applications ou le développement du poste de travail unique, il sorti-ra dans un an.
Ces premiers éléments sont destinés à montrer la rapidité de mise en place, donc à rassurer l'éco-système. Derrière, le groupe pousse deux orientations fondamentales : la mise sur le marché d'une gamme très large et les développements en matière de cloud computing. Aastra-Mitel propose par exemple des offres traditionnelles, comme les téléphones de bureau, mais aussi le passage à l'IP. Ce n'est d'ailleurs que 50% de ses offres, le TDM gardant encore 50% d'adeptes. Entamée à la fin des années 90, le passage à l'IP est seulement en cours. Dans les télécoms les révolutions ont toujours très longues. Et Aastra-Mitel entend bien tenir les deux bouts de la chaîne, par exemple des réseaux en TDM comme en IP, ou des logiciels en mode on-premise et de plus en plus en SaaS.
Le cloud : 10% du CA de Mitel
La mutation vers le cloud computing, fer de lance de Mitel, avait commencé aussi chez Aastra avec des offres issues des call managers Aastra 5000. « On fait déjà du cloud, en mode privé, remarque Bernard Etchenaguccia, nous savons également faire du cloud dédié et partagé, avec un partenaire comme AllianceCom qui propose le pbx en tant que service ». Le cloud computing amène aussi de nouveaux types de partenaires ISP ou opérateurs comme Hub One, qui propose de l'UcaaS sur les infrastructures virtualisées Mitel. Chaque trimestre, en publiant ses comptes Mitel livre d'ailleurs le nombre de ses positions en cloud computing. Elles sont passées de 380 000 au T1 2013 à 625 000 au même trimestre de 2014. Le cloud est un axe fort de Mitel et représente 10% de son chiffre d'affaires au T12014.
Le groupe travaille également au renouvellement de son portefeuille applicatif. Les R&D ancienne-ment Aastra et Mitel sont mises en commun de manière à homogénéiser les offres. Priorité est donnée à la gestion de présence, au collaboratif, au CTI, à la gestion des centres d'appel. Pierre-Alexandre Fuhrmann, directeur général délégué France devient d'ailleurs vice-président Europe chargé de planifier la R&D sur le vieux continent. Elle existe déjà à Guyancourt, siège historique d'Aastra, pour l'Aastra 5000 son call manager et comprend également un centre en Suède pour MX ONE, le serveur de téléphonie, en Suisse pour la gamme de serveurs de communication Aastra 400, enfin en Allemagne avec le collaboratif et la mobilité.
Rationalisation des structures
Le groupe tient à montrer une réorganisation rapide. Les coûts de structures sont allégés avec la fusion, par la suppression de sièges sociaux, des économies en supply chain et dans les achats. Des suppressions de postes sont également réalisées, de manière limitée, mais les détails ne sont pas encore communiqués.
L'essentiel pour le nouveau groupe c'est d'afficher son calme dans la tempête qui semble agiter le secteur. Siemens Enterprise Communication est devenu Unify à l'automne dernier et traverse une forte période de restructuration, Alcatel-Lucent Entreprises s'est vendu au chinois Huaxin en février, Nokia s'est séparé de sa téléphonie mobile pour garder l'activité infrastructures d'entreprises. La série ne s'interrompt que provisoirement. Il y a un an, Avaya était supposé changer de main au profit d'Oracle, NSN était l'objet de rumeurs de cession en début d'année. Mitel garde de solides réserves pour des opérations futures.
C'est le dernier message, celui d'une possible opération de croissance externe dans le secteur. « On regarde les opportunités, en attendant nous apposons notre « foot print » sur le marché avec ce rapprochement » souligne Bernard Etchenaguccia. Le message est clair, comme la fusion Aastra / Mitel se déroule bien un autre est rapidement possible. « J'ai fait beaucoup d'acquisitions dans ma carrière, déclare le CEO monde Richard McBee, et c'est le plus doux que j'ai jamais eu à conduire ».