4G : Orange va contester en cour d'appel la décision de l'Arcep favorable à Free
On pensait les opérateurs de téléphonie mobile concentrés sur l'attribution des fréquences 4G, leurs dossiers devant être déposés avant la fin du 3ème trimestre auprès de l'Arcep. C'était sans compter sur leurs différentes dissensions, le climat entre les quatre grands opérateurs français devenant de plus en plus détestable.
Au mois de décembre dernier, Free a demandé l'autorisation à Orange d'utiliser des infrastructures destinées au trafic des communications fixes pour raccorder ses antennes mobiles. Un dossier tarifaire concernant deux types de prestations : l'hébergement des équipements actifs de Free dans les NRA et NRO d'Orange et la collecte des flux des sites mobiles de Free, à partir de ces mêmes NRA ou NRO vers les réseaux dorsaux. Cette collecte porte un nom : LFO, Lien Fibre Optique mono-fibre d'Orange. Une offre spécialisée de l'opérateur historique, elle n'est pas régulée et fait donc l'objet de transactions entre entreprises.
Free passait jusqu'alors par le cuivre d'Orange, donc le dégroupage, pour acheminer son trafic mobile, mais veut aujourd'hui déployer ses propres équipements en fibre optique. Une déclaration d'indépendance qui s'est retrouvée lors de l'annonce des résultats semestriels, il y a une semaine, les dirigeants de Free ont alors rappelé qu'ils comptaient aussi réduire l'usage du contrat d'itinérance d'Orange.
Le verdict de l'Arcep est cinglant
Pour assurer le développement de sa 4G, Free a donc besoin de déployer sa propre fibre optique, mais aussi d'utiliser l'hébergement et la collecte d'Orange. C'est l'objet de sa demande du mois de décembre dernier auprès d'Orange qui, en retour, a posé ses conditions. Aux yeux de Free, elles ne sont pas satisfaisantes, à tel point que la société de Xavier Niel a requis l'arbitrage de l'Arcep. En langage de régulateur on parle de règlement de différend. Hier, l'Arcep a rendu public son verdict (la décision a été prise le 28 juillet dernier). Il est cinglant à l'égard d'Orange : « l'Autorité impose à Orange de lever des restrictions d'usages infondées sur les prestations fournies au titre du dégroupage, pour libérer l'investissement dans le très haut débit mobile ».
Pour le régulateur, Orange « ne peut facturer à Free de tarif supplémentaire pour ce nouvel usage » (l'hébergement) et il ne peut davantage « facturer à Free de tarif supplémentaire lorsque celui-ci utilise l'offre LFO pour collecter, outre les flux fixes, les flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique ». Orange doit refléter ses coûts réels et ne pas surfacturer. C'est bien ce terme de surfacturation qu'emploie Free et que valide le régulateur.
Orange semble très remonté
Nous avons interrogé Orange sur son éventuelle réaction. Elle sera aussi vigoureuse que la décision de l'Arcep, puisque l'opérateur va la contester devant la cour d'appel. Orange semble très remonté. Au départ, le dégroupage était prévu pour le fixe, Free l'utilisant aussi pour le mobile, Orange compte imposer un tarif supplémentaire à son client et concurrent, à la fois pour l'hébergement et pour la collecte LFO.
En apparence, il s'agit d'une bataille tarifaire. Mais derrière, le régulateur et Orange se livrent à une analyse différente. L'Arcep parle de « despécialisation progressive » des réseaux fixes et mobiles, y compris sur les réseaux de collecte et de desserte et de la nécessaire neutralité technologique. Orange, au contraire, se demande ironiquement si les concurrents de Free n'auraient pas été ravis de bénéficier des mêmes avantages pour déployer leurs réseaux mobiles.
En illustration : la cour d'appel de Paris va devoir trancher entre Orange et l'Arcep
Le climat se durcit entre opérateurs
Malgré l'échec du projet d'Altice de rachat de Bouygues Télécom, chaque semaine, un analyste prédit la fin d'un marché français à quatre grands opérateurs. On se demande bien comment leurs dirigeants pourraient même se parler. Outre le différend sanglant qui oppose Orange à Free, Bouygues Télécom a intenté deux actions en justice contre ses concurrents. L'une contre Completel et SFR-Numericable, devant le Tribunal de commerce de Paris, pour des manquements contractuels. L'autre, devant le même Tribunal de commerce, contre Free qui aurait réduit le débit de ses clients en 3G, surtout sur le réseau Orange qu'utilise Free Mobile. But de l'opération : réduire les frais d'itinérance. Selon L'Express (propriété d'Altice), Bouygues Télécom réclamerait 53 millions d'euros dans la 1ère affaire et 317 pour la deuxième.