THD : « les nouvelles du front sont bonnes »
Les Septièmes Assises du Très Haut Débit ont permis d'avoir de bonnes nouvelles du déploiement du Très Haut débit. Même si tout n'est pas rose.
« Les nouvelles du front sont bonnes » a affirmé Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération Française des Télécoms, lors des Septièmes Assises du Très Haut Débit. Cette manifestation était organisée à Paris le 4 juillet 2013 par l'Idate et Aromates sous le parrainage de Ministère Délégué à l'Economie Numérique. Mais si le Très Haut Débit se déploie enfin à un rythme convenable, la France ne rattrape pas son retard. Ce retard aurait même tendance à se creuser.
Ainsi, sur les 250 millions de kilomètres de fibres optiques déployées dans le monde chaque année, la moitié l'est sur le territoire chinois et seulement 3 millions en France. Les grands projets d'infrastructure sont victimes des réductions budgétaires et les uns entrent en concurrence avec les autres. Roland Montagne, directeur Télécoms à l'Idate, a rappelé : « un projet tel que le noeud ferroviaire de la gare de Marseille correspond, en budget, au déploiement du FTTH sur toute la région Alsace ».
A ce jour, le seuil des deux millions de prises FTTH a été franchi et le rythme de 1 million de nouvelles prises posées est atteint. « Il faut doubler ce chiffre pour atteindre le même chiffre de 2 millions de prises par an que le plan Delta de rattrapage des télécoms dans les années 70 lorsqu'on a déployé l'actuel réseau cuivre » a jugé Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP.
Un problème de coût
Bien entendu, le coût du FTTH varie énormément selon la dispersion de l'habitat. De fait, 40% de la population et 90% du territoire ne pourra pas être couvert par le secteur privé, faute d'une rentabilité financière suffisante. L'Etat a donc un rôle majeur à jouer pour atteindre l'objectif de 100% de couverture FTTH en 2022. Le coût à supporter par l'Etat représentera les deux tiers du coût total, le privé pouvant couvrir près des deux tiers de la population pour un tiers du coût. « Le numérique est un élément essentiel de l'aménagement du territoire » a martelé Pierre Jandet, conseiller innovation compétitivité et aménagement numérique à la Datar.
Bien entendu, il existe des alternatives au FTTH. Et l'ARCEP reste d'une totale neutralité sur les choix technologiques des opérateurs pourvu que les objectifs de niveaux de services soient atteints. Mais ces alternatives sont davantage vues comme des déploiements préliminaires, pour attendre le lent à déployer et coûteux FTTH. La 4G/LTE, c'est à dire le très haut débit mobile, pourrait couvrir plus facilement que le FTTH des zones rurales car le coût de déploiement est moindre mais son niveau de service est aussi moindre.
Il en est de même des nouveaux usages du cuivre, comme le VDSL2. « Il faut faire attention que les opérateurs ne vendent pas le VDSL comme un équivalent au FTTH » a relevé Antoine Darodes, directeur de la Mission chargée de l'organisation des déploiements du très haut débit. L'infrastructure cuivre correspond au téléphone, le co-axial à la télévision et la fibre optique au tout numérique.
Un problème de modèle économique...
Un problème de modèle économique
Le déploiement du FTTH étant coûteux, il faut trouver un modèle économique. Un tel déploiement d'infrastructure ne se justifie que par le service. Or, là où le FTTH est moins cher, en ville surtout, l'ADSL/VDSL correspond largement aux services actuellement disponibles et utilisés. Résultat : les taux de foyers raccordés sur foyers raccordables sont bien meilleurs en zones rurales ou dans les pays où l'ADSL est mauvais que là où l'ADSL est bon. La moyenne, en France, est de 15% contre 22% dans toute l'Europe, 55% au Japon et 40% aux Etats-Unis.
A cela s'ajoute un problème plus spécifiquement français, à savoir le revenu par abonné. Aux Etats-Unis, la télévision finance le FTTH car ce sont les mêmes cablo-opérateurs qui sont concernés. Et leur revenu mensuel par abonné atteint une moyenne de 150$. Ce n'est pas comparable avec les 29 euros d'un abonnement ADSL français. Et comment justifier le déploiement du FTTH si le revenu mensuel est le même qu'avec l'ADSL ?
Des box d'opérateurs sur des réseaux d'autres opérateurs
Tout repose donc sur les services apportés par dessus l'infrastructure. Et, enfin, il semble que les opérateurs deviennent raisonnables, acceptant de mutualiser les investissements. Les services du Numéricable (et sa box) pourraient ainsi bientôt arriver sur des réseaux FTTH d'initiative publique. « Nous avons fait des tests technique dans l'Ain et nous prévoyons des déploiements à partir de septembre 2013 » a ainsi signalé Jérôme Yomtov, directeur général délégué de Numéricable.
Carinne Erhel, députée PS des Côtes d'Armor, qui présidait la manifestation, a quant à elle affirmé : « L'approche doit garantir les intérêts de tous les acteurs de la filière et pas seulement l'intérêt immédiat du consommateur, cela afin de garantir l'emploi, l'innovation et l'aménagement du territoire ».
Pour réussir, il faut investir dans la durée
Pierre Pinon, architecte et historien spécialiste de l'histoire de l'urbanisme, est intervenu aux septièmes assises du Très Haut Débit pour tirer les leçons des grands déploiements d'infrastructures de transport dans le passé. La leçon principale demeure la constance des investissements et une politique volontariste fixe.
Si beaucoup d'aménagements à Paris sont attribués au préfet Georges Eugène Haussmann, il faut admettre qu'il s'agissait avant tout d'un projet personnel de Napoléon III lancé avant la nomination du préfet. Le célèbre baron fit donc plus la mise en oeuvre d'un projet le dépassant. Le montage financier -avec des concédants empruntant le coût des travaux avec la garantie de la Ville de Paris- fit que les parisiens payèrent les aménagements avec leurs impôts jusqu'en 1925, année de l'achèvement du dernier tronçon du Boulevard Haussmann. Et les premiers aménagements, tel le percement de la rue Lafayette, dataient de 1825, sous Charles X.
L'installation des grands réseaux de routes, de canaux puis de chemins de fer avec une convergence vers Paris date, quant à elle, d'Henri IV. Napoléon III n'a fait que poursuivre dans la même voie.
Le déploiement d'une infrastructure est donc longue et coûteuse mais porte ses fruits sur des plus longues périodes encore.