Panne Internet : Redbus s'explique
Suite à la rupture d'énergie subie dimanche par Redbus, Stéphane Duproz, Directeur Général France de l'hébergeur, réagit en toute transparence. Ses propos ne sont pas totalement rassurants, pour l'ensemble du marché de l'hébergement.
R&T : Que s'est-il exactement passé chez Redbus ? Stéphane Duproz : Dimanche, vers 9h35, nous avons subi des micro-coupures EDF. Dans le principe, dès qu'il y a coupure, le disjoncteur principal passe sur les groupes électrogènes. Pendant les 30 à 45 secondes de bascule, des batteries UPS tiennent la charge. Et lorsque le courant revient, le processus inverse se produit. Or, la série de micro-coupures a provoqué un dysfonctionnement du disjoncteur du groupe électrogène. Nous n'avions plus de charge ni d'EDF ni du groupe électrogène. Les batteries prennent le relais mais ne sont conçues que pour durer que 10 à 15 minutes. La coupure a duré une heure. Au bout d'une heure, nous avons réussi à reprendre le contrôle du disjoncteur groupe électrogène et à rebasculer dessus. Alimenté en fuel, le groupe peut durer des mois mais avec tous les risques que cela comporte de ne conserver que cette seule source d'énergie. Cependant, nous devions attendre de recharger les batteries UPS avant de tenter de rebasculer sur EDF. Nous avons alors connecté les batteries au groupe électrogène pour les recharger. Ca n'a pas fonctionné. Nous avons identifié un problème de puissance et d'équilibrage de qualité de courant. Comme la situation n'était pas stable, certains de nos clients ont choisi de ne pas redémarrer les serveurs, vulnérables à ces chutes de tension répétées. Nous avons tenté par deux fois la manipulation de recharge des batteries, provoquant ainsi deux nouvelles coupures entre 14h35 et 15h10, et entre 17h00 et 17h01. A ce moment, nous avons décidé de ne plus prendre de risques et de rester sur le générateur. Nous avons passé la nuit à analyser les évènements. Nous sommes revenus avec un plan. A la demande des clients, nous avons décidé de ne rien toucher pendant la journée du lundi. L'intervention était trop risquée. D'un commun accord, nous avons procédé à une action correctrice le lundi à 20h. A savoir : une maintenance corrective du disjoncteur normal TGBT alimenté par EDF, une reconnexion des UPS sur les générateurs et le passage de la charge clients sur les UPS. Cela c'est passé sans coupure. Mais certains clients ont arrêté leurs machines par anticipation. La prochaine étape, fixée mardi matin à 4 heure, est de rebasculer totalement sur EDF. R&T : Fort des éléments que vous détenez, quel est votre pré-diagnostic ? S.D. : Nous avons subi des micro-coupures d'EDF, mais nous sommes là pour mettre en place les infrastructures pour que nos clients ne les subissent pas. Nous avons eu connu un problème sérieux d'équilibrage des facteurs de puissance des UPS sur le générateur. R&T : Il y a une semaine , vous avez connu une panne similaire ? S.D. : Non, il s'agissait d'une erreur humaine provenant d'un de nos prestataires. R&T : La panne peut-elle revenir à tout moment ? S.D. : Le point extrêmement important à comprendre est que nos sites ont été créés il y a cinq ans, suivant la configuration des machines de l'époque. Les nouveaux serveurs sont plus consommateurs en énergie mais ont surtout des caractéristiques de facteurs de puissance très différentes. Notre clientèle, composée d'hébergeurs, dispose de nombreux équipements de nouvelle génération. Ca a sérieusement gêné la remise en fonction du système. La sécurité absolue n'existe pas, c'est certain. Même dotés d'une configuration optimale, nous ne sommes pas à l'abri d'un soucis. Dans notre cas, nous hébergeons beaucoup d'acteurs de l'internet, et avons donc eu une réaction en cascade avec une grande proportion de sites impactés. Les pannes électriques touchent la majorité des data centers, il faut prendre du recul. Le marché doit s'attendre à ce que cela se reproduise. R&T : Quelles actions correctrices doivent être menées ? S.D : Les datas center comme le nôtre doivent revoir leurs configurations et procéder à des investissements lourds. Il est important de prendre conscience que les tarifs que nous pratiquons pour nos services datent de 2002-2003. Nous avons subi une forte pression sur les prix. Or, ces tarifs ne sont plus suffisants pour permettre aux hébergeurs d'investir sur de nouveaux data centers. Il va y avoir un problème évident. Nous nous remplissons de plus en plus, les baies requierrent de plus en plus de jus. Je pense que le marché n'échappera pas à un nécessaire réajustement des prix. Pour accompagner la croissance de ce marché, nous devons investir dans de nouveaux datas centers. R&T : Vos clients seront-ils dédommagés ? S.D. : Bien évidemment, les SLA seront appliqués. Mais je pense qu'à l'avenir les nouveaux contrats devront être revus. Les conditions contractuelles sont en effet en inadéquation avec la réalité.