Orange détaille pourquoi son réseau s'est bloqué durant 12 heures
C'est le dispositif technique de localisation des abonnés qui s'est engorgé et a provoqué le blocage national du réseau d'Orange. La cause racine de la panne est toujours recherchée. Stéphane Richard s'est expliqué avec l'aide de son état major lors d'une conférence de presse.
C'est le système de localisation des abonnés d'Orange qui est la cause de la panne massive qui a touché les vingt six millions de clients mobiles de l'opérateur vendredi 6 Juillet, ainsi que les clients des MVNO hébergés et ceux de Free Mobile.
L'information a été communiquée lors de la conférence de presse organisée par l'opérateur, samedi à 16 heures 30. Le PDG du groupe, Stéphane Richard a ouvert la conférence en parlant de « panne logicielle importante au coeur du réseau qui gère la signalisation des appels. »
Il a poursuivi : « l'analyse des causes est en cours. Les causes sont complexes. Nous y travaillons avec nos partenaires Alcatel-Lucent et Ericsson. A priori, il ne s'agit pas d'une attaque informatique ni d'une cause externe. Ce n'est pas non plus lié à notre accord d'itinérance avec Free Mobile et à nos liens d'interconnexion avec lui, ni à un afflux de trafic sur le réseau. » Alcatel-Lucent et Ericsson sont les deux seuls équipementiers fournisseurs du réseau d'Orange.
Il a fallu insister avant que Philippe Chicaud, en charge des réseaux fixes et mobiles d'Orange, de leur déploiement et de leur maintenance, et qui était présent aux côtés de Stéphane Richard, ne donne enfin des détails techniques. Le PDG de France Télécom n'avait pas été suffisamment briefé sur ce qui s'est réellement passé apparemment ou bien ne tenait-il pas à en dire trop à ce stade.
Photo : Interview de Stéphane Richard, PDG de France Télécom
"Le système touché est le NG HLR (New Generation Home Location Register)," a expliqué le technicien. Il précisera ensuite en apparté : "Ce système centralise les informations de localisation des abonnés. Ce système de nouvelle génération comprend trois étages : les frontaux, les serveurs centraux, et les bases de données. Des incohérences sont apparues, des messages erronés ont été échangés entre ces équipements, ce qui a entraîné des saturations et par un effet boule de neige, un blocage du système. » Le NG HLR est d'origine Alcatel, a-t-il mentionné.
La cause racine est toujours recherchée. "Il faut encore quelques heures" a avancé Delphine Ernotte Cunci, Directrice Exécutive Orange France. Ce n'est pas un manque de sécurisation qui a abouti à cette situation, stipule Philippe Chicaud. « Tout est redondé deux fois et parfois plus. »
Le défaut du système HLR s'est notamment concrétisé par le fait que des abonnés mobiles qui ne demandaient pas à être relocalisés, car ils n'avaient pas rallumé leur téléphone ou qu'ils ne s'étaient pas déplacés, ont pu téléphoner plus longtemps que les autres.
Mais même ces clients ont fini par être bloqués au bout du compte car le système HLR s'est totalement saturé à la suite de l'accumulation de messages d'erreurs. La remise en service a été réalisée en séparant la chaîne voix/SMS et la chaîne Data, explique Philippe Chicaud. Les systèmes ont été rallumés les uns après les autres, en observant durant quelques minutes si ils étaient stabilisés, détaille en aparté Delphine Ernotte Cunci.
Les machines du HLR - réparties en neuf points du territoire pour le front end et six points pour le back end - ont été nettoyées progressivement. « Nous avons appris comment nous y prendre, et si cela devait se reproduire nous disposons des procédures et nous irions plus vite.» reconnaît Philippe Chicaud. Il semble penser que l'origine de la panne va être difficile à analyser à cause d'aspects aléatoires.
La chaîne voix/SMS a été rétablie en premier, vers 0 h 30, tandis que la chaîne data est revenue à la normale à 3 h 30. « L'incident est complètement résorbé. Nous allons en tirer les leçons. Cela apprend l'humilité alors que nous avons vingt ans d'expérience et que nous sommes le plus gros investisseur dans les réseaux mobiles. Nous investissons 600 millions d'euros par an dans notre réseau. J'ai demandé un audit complet de nos procédures de sécurité de nos réseaux fixes et mobiles. Il faut toujours tirer les leçons » déclare Stéphane Richard. Il aura toutefois souligné que "le risque zéro n'existe pas."
Il faut remonter à 2004 pour retrouver un incident de même nature chez France Télécom. "La panne touchait alors les réseaux fixes et mobiles" précise Delphine Ernotte Cunci. "Mais l'impact avait alors été moins fort sur le public. C'est d'ailleurs l'importance désormais du mobile qui a fait que Arnaud Montebourg [ministre du redressement productif] et Fleur Pellerin [ministre déléguée à l'économie numérique] nous ont rejoint jusqu'à minuit au centre de supervision et pour soutenir les équipes. Sans compter que l'état demeure un actionnaire important de France Télécom comme l'a rappelé le ministre" termine-t-elle.
D'autres opérateurs auront connu des pannes de cette ampleur. Philippe Chicaud de citer "T-Mobile aux Etats Unis, il y a 2 ans, Verizon, O2 ou ATT. Et ce n'est pas toujours le système HLR qui était en cause." En conclusion, le PDG d'Orange s'est montré totalement rassurant sur la capacité de son réseau : "il n'y a pas de problème capacitaire sur le réseau d'Orange".