Le Français captif ou pas pour son abonnement mobile ?
L'affaire est ancienne, mais le cabinet d'avocats Baker & McKenzie s'y intéresse et vient de publier une note juridique relative à une décision de la cour de cassation sur le sujet des ententes entre les trois opérateurs mobiles SFR, Bouygues Télécom et Orange datant de 2005.
En avril 2010, la Cour de cassation s'est une nouvelle fois penchée sur cette affaire (Cass com 7 avril 2010, n° 09-12.984 - Affaire de la téléphonie mobile). Le cabinet Baker & McKenzie rappelle que lors de sa décision du 1er décembre 2005, le Conseil de la concurrence (devenu depuis l'Autorité de la concurrence) avait sanctionné les trois opérateurs mobiles, Orange France, SFR et Bouygues Télécom. Il avait été acté d'une par, qu'ils avaient échangé des informations stratégiques relatives aux nouveaux abonnements et aux résiliations et d'autre part qu'ils avaient conclu des accords afin de stabiliser leurs parts de marché autour d'objectifs définis en commun.
Une amende de 534 millions d'euros avait alors été infligée aux trois sociétés. Cette décision avait été confirmée par la Cour d'appel le 12 décembre 2006. La Cour de cassation avait confirmé le deuxième grief d'entente sur la stabilisation des parts de marché.
La Cour avait toutefois renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel s'agissant du grief d'échange d'informations stratégiques. La Cour d'appel avait confirmé l'atteinte au droit de la concurrence, mais les trois opérateurs se sont à nouveau pourvus en cassation.
Cette Cour a rendu son arrêt le 17 avril dernier 2010. La Cour de cassation considère dans cet arrêt que la Cour d'appel a légalement justifié sa décision s'agissant de la démonstration des effets concrets des pratiques sur le marché, mais elle censure la Cour d'appel sur l'évaluation du dommage à l'économie.
Les amendes de 35 et 16 millions d'euros prononcées contre SFR et Bouygues Télécom sont confirmées, mais la Cour de cassation considère qu'en ce qui concerne les pratiques imputées à Orange, la preuve d'un dommage à l'économie n'est pas suffisamment étayée. Ce dommage ne se présume pas du seul fait de l'existence d'une entente.
La haute juridiction ajoute que parmi les éléments permettant de mesurer l'importance du dommage causé à l'économie, il faut prendre en compte : la taille importante du marché, la participation de la totalité des entreprises à l'entente, et la sensibilité de la demande au prix.
Or, ce dernier critère a été omis par le Conseil de la concurrence et par la Cour d'appel. La sensibilité de la demande au prix mesure l'importance du prix dans le choix du consommateur. Le cabinet d'avocats Baker & McKenzie rappelle que dans un marché fortement concurrentiel, le consommateur est sensible au prix car il peut réagir à une augmentation des tarifs en se reportant sur un concurrent ou en diminuant les quantités. A l'inverse, lorsque le consommateur est captif, la sensibilité de la demande au prix est faible.
Toujours selon Baker & McKenzie, la Cour de cassation confirme ainsi l'importance de cet indicateur pour apprécier la gravité d'un dommage à l'économie. Et pour ce qui nous concerne, dans le marché mobile français, le client est plutôt captif.
Illustration D.R.