Le CA de Cisco baisse de 5,5% au T3, est-ce grave ?
Comme toujours avec les résultats trimestriels, il faut distinguer les chiffres bruts, scrutés avec voracité par les analystes financiers, surtout américains, et les tendances de fond. Cisco publie des résultats en baisse pour son T3 2014, mais moins que prévu, ce qui ne rassure pas totalement sur la capacité du groupe à retrouver la croissance grâce au SDN ou à l'IoT (*).
Au troisième trimestre de son exercice fiscal 2014 (trimestre clos au 26 avril 2014), Cisco enregistre un chiffre d'affaires de 11,5 milliards de dollars US, en repli de 5,5% par rapport au même trimestre de l'exercice précédent. La société avait prévu moins de 6% de baisse. Le bénéfice net a diminué de 3,2% à 2,6 milliards de dollars, avec un bénéfice par action de 0,42 dollar, de 0,51 dollar par action en tenant compte des éléments non récurrents. La bourse s'est montrée rassurée par ce dernier chiffre, mais d'autres points intriguent les analystes économiques.
Sur le même sujetPourquoi Riverbed se réinvente et élargit sa gamme de produitsPar région, Cisco progresse de 3% en Amérique, baisse de 1% en EMEA, de 5% en Asie-Pacifique. Les ventes dans les pays en développement continuent d'être faibles avec des commandes en baisse de 28 % en Russie, de 27 % au Brésil et de 7% en Chine. Les fameuses BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) jusqu'alors vecteurs de croissances spectaculaires, ont maintenant l'effet inverse. Encore fragile, le marché européen (EMEA) montre quelques signes de reprise : +7% au Royaume-Uni, +5% en Allemagne. Mais le vrai point fort reste le marché des entreprises aux Etats-Unis a souligné John Chambers.
Plus significatifs encore, les résultats par type de technologies permettent d'en distinguer nettement deux, celles qui progressent et celles qui régressent. Dans la première catégorie, figurent l'activité datacenter avec +29% et 662 millions de dollars de CA, la sécurité +10% à 361 millions, le sans-fil avec +3% à 553 millions, les services +3% également mais à 2,7 milliards de dollars. Inversement, deux grosses activités sont en baisse : les commutateurs avec -6% pour 3,38 milliards de dollars et le routage avec -10% et 1,9 milliard de CA. Egalement à la peine : la vidéo -26% pour 961 millions de dollars, le collaboratif -11% à 892 millions de dollars, la partie « autres produits » est à - 38% mais ne représente que 75 millions de dollars.
Deux activités historiques en baisse
Des chiffres qui peuvent se lire d'une autre manière : seulement le tiers des activités est en hausse, essentiellement les services, en revanche les commutateurs et les routeurs, deux activités « historiques » représentant 40% du CA, sont en baisse. Une tendance de fond, confirmée d'un trimestre à l'autre.
C'est cette deuxième lecture, celle des résultats par type d'activité et par produit qui permet de s'interroger sur l'évolution de Cisco. « La société construit une activité autour du SDN et a fait des progrès sur ce front au cours du trimestre » souligne John Chambers qui cite plusieurs exemples montrant comment sa société se développe. Cisco a signé un accord significatif avec General Motors dans les logiciels. La société veut vendre aux clients une architecture complète : les logiciels, l'infrastructure, les applications et les services. Rob Lloyd, patron des ventes et du développement de Cisco a mis en avant, lors de la présentation des résultats trimestriels, le fait que sa société possède sa propre version du SDN avec ACI, actuellement en test et disponible commercialement dans les prochains mois.
Ce même Rob Lloyd livrera le grand discours d'ouverture lors du Cisco Live la semaine prochaine à San Francisco. Il n'en faut guère plus pour que plusieurs analystes le propulsent au rang de successeur potentiel n°1 de John Chambers. L'âge du capitaine est en effet l'une des questions posées quand on observe Cisco. John Chambers a 65 ans, avec des résultats financiers difficiles, une société qui commence à peine à sortir d'une crise et plusieurs défis à relever, comme le SDN ou les objets connectés.
Au pouvoir depuis 19 ans
John Chambers compte bien guider l'entreprise sur ces nouvelles transitions. Il va devoir relever des défis bien différents de ceux qu'il a commencé à affronter lors de son arrivée aux commandes il y a 19 ans. "Il y a très peu de chefs d'entreprise qui étaient en place lorsque John a repris Cisco et qui sont encore en place aujourd'hui », a déclaré l'analyste du Gartner Joe Skorupa. « Sous sa direction, Cisco est passé d'un rôle de spécialiste des réseaux de taille moyenne à un géant de plus de 40 milliards de dollars US de CA annuel ».
« Dans l'IT, la croissance est plus difficile à trouver pour de nombreuses entreprises établies», note ce même analyste, visiblement dubitatif sur les capacités du patron actuel de Cisco à mener une nouvelle transition. « Cisco a besoin de rivaliser avec des concurrents d'autres segments du marché et avec les partenaires anciens ou actuels. Celà place cet acteur dans le même bateau ou presque que Microsoft », a déclaré pour sa part Lee Doyle, analyste principal chez Doyle Research et observateur de longue date de Cisco. « C'est une grande entreprise mondiale, rentable, riche en liquidités mais relativement lente à bouger. C'est « la » société spécialiste du réseau, la question est de savoir ce qu'ils vont faire à partir de cette position. Ils sont loin d'être en position dominante."
Chambers restera Président
La mutation de Cisco passe-t-elle par l'arrivée d'un nouveau Pdg ? Les avis sont partagés. John Chambers a établi un échéancier très vague pour son départ en retraite. Au mois de novembre dernier, il a parlé à CNBC de faire un an ou deux de plus, mais même quand il ne sera plus PDG, il devrait rester en tant que Président. Zeus Kerravala de ZK Research souligne quant à lui que John Chambres maintient un profit élevé, qu'il est en relation directe avec le président des États-Unis et a accès aux dirigeants du monde entier. « Vous seriez bien en peine de lui trouver un successeur, en interne ou à l'extérieur de l'entreprise, capable d'exécuter la bonne stratégie pour une telle entreprise de haute technologie » estime Zeus Kerravala qui ne pense pas que John Chambers soit sous pression et proche de la démission.
Lee Doyle en revanche assure qu'il y a de bonnes raisons pour qu'un nouveau leader prenne les rênes de Cisco, y compris la nécessité de réinventer l'entreprise autour des logiciels et des services et de se concentrer sur la meilleure façon d'utiliser le réseau. Mais il ne s'attend pas à ce que Cisco ou Chambers franchissent ce pas de sitôt...à moins d'une chute inattendue des résultats financiers. Rendez-vous dans trois mois.
Pour le quatrième trimestre, la société s'attend à une baisse comprise entre 1 et 3 % de son CA. Il faudra encore plusieurs trimestres de croissance continue pour revenir à des résultats positifs a reconnu John Chambers lors d'une téléconférence. «Notre objectif est clairement le retour à la croissance. Nous n'y arriverons pas avec un itinéraire rectiligne, " at-il dit. " Ce sera probablement un peu chaotique ! "
(*) Le SDN , Software defined network désigne la virtualisation des réseau, l'IoT, Internet of Things, Internet des objets