Français, tous pirates !
Le BSA, club d'éditeurs de programmes commerciaux, vient de réactualiser les chiffres de son enquête sur le piratage des logiciels dans le monde. Aux dires de cette association, la France serait en troisième position en termes de « manque à gagner lié au piratage» derrière la Chine et les Etats-Unis. Et de déplorer le fait que « près d'un logiciel sur deux a été acquis illégalement » dans le riant pays du camembert et du tiers provisionnel. Bien entendu, ce manque à gagner est immédiatement chiffré, aux environs de 3,9 milliards de dollars. Ce Maelström de pertes lié au taux de piratage, s'il était réduit de 10 points pour s'établir à 25% en moyenne dans le monde, pourrait créer, estime une autre étude citée, près de 2,4 millions d'emplois, 400 milliards de dollars de croissance, 67 milliards de recettes fiscales...
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait ...
Aurait ironisée Monsieur de La Fontaine. L'argent des logiciels que l'on ne vend pas doit probablement relever du même serpent monétaire que celui des pertes liées au spam, aux attaques virales et au ROI des SSO ...
Et le BSA de continuer. « Ces résultats sont peut-être le signe que la politique du 'tout prévention' montre certaines de ses limites ». Une « prévention » qui aurait couru tout au long de ces 5 dernières années. Le BSA doit probablement avoir un frère jumeau, car un autre BSA semble, parallèlement à ces sympathiques opérations de « prévention », mener des campagnes d'intimidations accompagnées de fax au contenu comminatoire, menaçant les DSI et RSSI de poursuites judiciaires et leur intimant l'ordre de « régulariser » et comptabiliser leurs licences actives. Le communiqué du BSA ne défalque pas non plus de sa comptabilité les volumes de noyaux et programmes préinstallés fournis avec la plupart des machines récemment achetées et qu'il est quasiment impossible de se faire rembourser. Mais la vente liée, c'est pas du piratage, puisque c'est inciter légalement l'utilisateur à acheter légalement un programme légal.
Ceci étant dit, et indépendamment de toute interprétation douteuse tirée de sondages et d'études toutes aussi discutables, l'utilisation de logiciels commerciaux dont la licence n'a pas été acquise légalement demeure un acte condamnable, tant juridiquement que moralement. L'existence d'un parc « gris » en France est également un fait indéniable : écoliers sans le sou, personnes n'ayant pas le niveau de ressources nécessaire, artisans dont la limite financière est souvent à l'image de la frilosité de leurs banquiers, PME dépassées par les surcoûts d'une course technologique engagée par des éditeurs ignorant tout des mots « pérennité des bien propres »... on ne pirate pas toujours par amour du mal, mais par nécessité.
Donc, si les enveloppes budgétaires des petites entreprises ne peuvent supporter la charge de telles dépenses, il est impératif, pour reprendre les termes du BSA, de« régulariser la situation ». Et la seule issue, lorsque l'on n'a pas d'argent, c'est de faire appel au modèle du « libre » dont une grande partie de la production est accessible sans bourse délier.
Ergo, l'unique moyen, pour le BSA, de ne plus avoir à déplorer de statistiques aussi catastrophistes, c'est précisément d'inciter les utilisateurs « fautifs » à se tourner vers les productions Open Source gratuites. Et ceci tant en France que dans les pays en voie de développement, ou le taux de piratage serait proche de 80%
Ergo, tant que les membres du BSA ne militeront pas activement en faveur d'une diffusion intensive et d'une adoption généralisée des logiciels « libres » en remplacement des copies piratées, ils se rendront coupable de complicité passive de piratage. Et devront donc être poursuivis des assiduités du... BSA.
Ndlc : Y'a pas à dire,c'quon arrive à faire avec quatre grains d'ellébore et 400 grammes de pure logique cartésienne... L'équipe de CSO offrira une photo dédicacée de toute la rédaction (la correctrice des ndlc y comprise) au premier lecteur qui nous fera parvenir une photo d'un représentant du BSA (Apple, Autodesk, Microsoft, Veritas, Symantec, Macromedia...) en train de vanter les mérites de Linux, de Sendmail ou d'Open Office.