Fibre optique dans les immeubles : le choix implicite de l'Arcep fait débat
En s'abstenant de choisir entre réseau montant unique ou multiple, l'Arcep a de facto tranché pour la deuxième solution. Les opérateurs, Iliad et France Telecom en tête, continuent toutefois de débattre du mode de financement des réseaux surnuméraires, dont le coût décidera des futurs tarifs pratiqués auprès des consommateurs.
(Source EuroTMT) La mise au point du cadre réglementaire permettant le déploiement des réseaux à très haut débit en fibre optique (FTTH ou Fibre To The Home) a franchi, lundi 22 juin, une nouvelle étape avec la présentation par l'Arcep de ses propositions pour faciliter le câblage vertical des immeubles. Ces propositions vont maintenant être soumises à la consultation publique jusqu'à la fin du mois de juillet, pour entrer en application à l'automne (octobre - novembre). Mais on entend déjà les cris d'orfraie que ne vont pas manquer de pousser certains opérateurs. La raison : l'absence explicite de choix de l'Arcep qui aboutit en fait à un véritable choix. Depuis deux bonnes années, l'Autorité doit en effet répondre à une question simple aux implications, économiques et politiques, importantes : comment organiser le câblage des immeubles en fibre optique ? L'une des facettes de cette question a été tranchée par la loi de modernisation de l'économie votée par le Parlement durant l'été 2008 : pour éviter que tous les opérateurs se succèdent pour installer leur réseau, il a été convenu que chaque propriétaire d'immeuble ou syndic de copropriétaires désigne un « opérateur d'immeuble » chargé des travaux pour le compte de tout le monde. Un seul ou deux réseaux montants ? Si ce dispositif contente tous les acteurs, restait à savoir combien de réseaux montants l'opérateur d'immeuble devait poser : un seul ou autant qu'il y a de demande ? Favorable à la première solution, France Télécom avait convaincu SFR et Numéricâble de soutenir la règle du réseau unique, un équipement de mutualisation étant installé en pied d'immeubles pour permettre à tous les opérateurs de récupérer les fibres desservant leurs abonnés respectifs. Cette solution était vivement combattue par Iliad qui voulait que le régulateur impose la règle de la fibre surnuméraire (un deuxième réseau montant). Ce sera ni l'un ni l'autre, vient de décider l'Arcep, qui est favorable aux deux solutions à la fois ! En fait, le non choix explicite de l'Autorité de régulation aboutit à un véritable choix implicite favorable à Iliad. Sur le papier, le régulateur laisse en effet les opérateurs d'immeubles libres de leurs choix, en apportant toutefois un bémol : avant de câbler une zone, l'opérateur d'immeuble doit demander aux autres opérateurs s'ils veulent une fibre surnuméraire. Si l'un d'entre eux la demande, alors l'opérateur d'immeuble est obligé de poser au moins un réseau montant supplémentaire, l'Arcep conseillant de poser en fait trois réseaux supplémentaires d'office. Dans les zones denses, celles où les parts de marchés d'Iliad dans le haut débit sont les plus élevées, il ne fait guère de doute que l'opérateur alternatif demandera systématiquement la pose d'une fibre surnuméraire. Une position que Xavier Niel, le fondateur et principal actionnaire, a déjà justifié pour deux raisons, l'une économique, l'autre idéologique : couper tout lien avec l'opérateur historique et supprimer le reversement de la location de la ligne dégroupée, ce qui permettra de faire exploser la rentabilité de chaque abonné (la marge passera de 40 % à 75-80 %). Le coût réel de la fibre surnuméraire Seul problème, Iliad et France Télécom se déchirent sur le coût réel de la fibre surnuméraire : un surcoût inférieur à 10 % selon le premier, et d'environ 40 % selon le second. Pour l'Arcep, la question ne se pose pas, car le surcoût réel serait de 5 % seulement. De plus il sera à la charge de l'opérateur qui demande la pose de ce réseau supplémentaire et il cofinancera l'investissement global de l'opérateur d'immeuble. Une garantie qui ne devrait guère calmer les inquiétudes de France Télécom, qui pourrait revoir à la baisse ses projets d'investissements dans le très haut débit. En fait l'opérateur historique n'a aucune raison d'accélérer les déploiements : les services disponibles ne permettent pas de justifier le quasi doublement du prix de l'abonnement, qu'il souhaite, pour lui permettre de rentabiliser ses investissements et compenser la baisse des revenus tirés du dégroupage. Priorités aux zones denses Le cadre soumis maintenant à consultation ne concerne en fait que les seules zones denses en France. Ces zones sont les agglomérations de plus de 250 000 habitants. Soit 20 agglomérations, regroupant 148 villes, comptant 5,16 millions de foyers. L'Autorité a aussi précisé que dans ces zones, les opérateurs d'immeuble devront demander aux autres opérateurs s'ils veulent une fibre surnuméraire ville par ville et non immeuble par immeuble.